Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
Vom Netzwerk:
braveraient l’autorité de la Convention nationale. »
    Hors la loi ! Philippe était perdu, perdu ! Élisabeth s’enfuit, le visage inondé de pleurs.
    De carrefour en carrefour, les trois députés atteignirent la place de Grève et répétèrent là leur proclamation. La plupart des troupes restantes défilèrent d’elles-mêmes sans attendre des ordres. Seuls demeuraient encore les deux cents hommes de la section Finistère, trois compagnies de canonniers et les gendarmes du Petit-Luxembourg. Dans la salle de la Liberté, Fleuriot-Lescot crut habile de lire le décret au peuple, en ajoutant à ceux que ce texte visait : « et tous les citoyens présents à la séance de la Commune ». Le maire pensait provoquer ainsi leur indignation et leur révolte. Il provoqua leur fuite. Ce fut un sauve-qui-peut.
    À une heure et demie, lorsque Couthon arriva enfin, la place de Grève était encore garnie de curieux parmi lesquels, çà et là, les hommes de la section Finistère, des canons, les cavaliers pouvaient faire illusion, mais en haut, dans la grande salle, les quatre-vingts et quelques membres robespierristes du Conseil général siégeaient devant des tribunes à peu près vides. Seuls, plusieurs citoyens de la section de l’Observatoire, fidèle jusqu’au bout, et trois délégués des Jacobins, dont Duplay, écoutaient de vaines déclamations. Sitôt déposé sur un siège, dans la salle de l’Égalité, Couthon s’écria : « Il faut écrire aux armées.
    — Au nom de qui ? » demanda Robespierre.
    Toute la question était là, en effet. Hors la loi, comme ils y avaient mis Brissot et les députés de la Gironde, ils ne représentaient plus rien.
    « Il faut écrire au nom du peuple français », dit Robespierre.
    Couthon commença, sur ses genoux, de griffonner un message. Il n’avait plus aucun sens. Il ne restait même plus aux proscrits l’armée parisienne. Les gendarmes à présent s’en allaient, imitant la garde nationale à cheval. Sous prétexte d’envoyer Hesmart en prison pour le « punir », Hanriot venait de le faire évader. Le colonel s’était empressé de donner ses ordres à la cavalerie. Pourquoi n’eût-elle pas obéi à son chef ? Peu après, les canonniers, jugeant qu’ils se compromettaient pour une cause perdue, se retirèrent à leur tour. Alors, le bataillon du Finistère abandonna la place. À deux heures, il n’y avait plus de troupes sur la Grève illuminée, silencieuse et vide.

XV
    Plusieurs fois depuis dix heures, le Comité d’exécution avait envoyé des émissaires à la Maison de justice pour avertir Fouquier que les autorités constituées se réunissaient à l’Hôtel de ville, et l’y convoquaient expressément, lui et les membres du Tribunal. Installé à la buvette, afin de savoir tout ce qui se passait ou se disait dans la Tournelle, Fouquier répondait à la Commune par des protestations de dévouement, et ne bougeait pas. Mais, la nuit s’avançant, les propos recueillis dans la petite salle chaude, chauffée en outre par les quinquets et les chandelles, où les allées et venues ne cessaient pas, se faisaient inquiétants. Vers minuit, Botot-Duménil reparut après trois heures de détention, annonçant que la guerre civile régnait dans Paris ; Robespierre et ses amis, siégeant à la Maison commune, tenaient en main le pouvoir exécutif. Privée de défenseurs, la Convention serait avant le jour réduite à merci. L’accusateur public ne doutait point de ce qui lui arriverait alors, à lui dont l’Incorruptible avait plusieurs fois déjà demandé l’arrestation, et qui s’était encore permis tout récemment, de faire acquitter le jeune Rousselin de Saint-Albin traduit au tribunal sur les instances de Robespierre en personne. Fouquier-Tinville résolut d’aller aux Tuileries. Prenant avec lui son huissier, Degaigné, et quatre gendarmes, il sortit à pied.
    L’air était chaud, le ciel chargé de nuages stagnants. À la lueur des réverbères et de torches mouvantes, on voyait sur les quais des groupes de sectionnaires en armes s’éloigner de la Grève, le fusil à la bretelle ou la pique sur l’épaule, d’autres traînant des canons, tous pêle-mêle : troupes débandées qui se désagrégeaient, disparaissaient dans les rues noires. Au débouché du Pont-Neuf, le spectacle changea brusquement. Une forte colonne avançait en ordre sur le quai Nicolas dont elle occupait toute la largeur. Huit hommes de front, des

Weitere Kostenlose Bücher