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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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profitant des circonstances, l’Assemblée n’hésita point à voter cette rigoureuse mesure qui déclarait rebelles et décrétait de mort sans jugement la municipalité, les chefs de la garde nationale, les administrateurs de la mairie, éventuellement les fonctionnaires, les officiers, les présidents de section, et d’une façon générale tous les partisans de la Commune.
    Sitôt après, la Convention approuva une seconde proposition des Comités : celle d’envoyer douze députés proclamer dans Paris ce décret de mise hors la loi. Enfin elle décida, comme l’avait suggéré Claude au Comité, de prendre elle-même en main la force armée parisienne. Le commandement en fut confié à Barras qui avait montré ses capacités dans le Midi. Il eut pour adjoints Legendre, Merlin de Thionville, Bourdon de l’Oise et Léonard Bourdon : le Léopard. Tandis que les représentants en mission dans Paris prenaient au magasin des accessoires les uniformes, chapeaux à plumes, écharpes et sabres qui avaient servi pour la fête de l’Être suprême, et partaient vivement, Barras faisait porter à toutes les sections par des gendarmes estafettes l’ordre de réunir leurs compagnies sur le Carrousel, aux gardes nationales de Meudon, de Versailles l’invitation de venir prêter main-forte aux représentants de la nation. Il envoyait requérir les trois mille élèves de l’École de Mars.
    Déjà les premières proclamations, aux carrefours voisins, avaient convaincu les sections bourgeoises que le temps des hésitations était passé. Travaillées par Fouché, par Tallien, Panis, Thuriot, qui, depuis cinq heures du soir, les parcouraient toutes, et, en ce moment, peuplaient d’une majorité de leurs amis les Jacobins, elles mettaient leurs troupes en marche. Le bataillon des Quinze-Vingts renforçait celui du Panthéon. Ceux de la Maison-Égalité, de la Butte-des-Moulins les rejoignirent au moment où Claude sortait des Tuileries pour aller passer quelques instants avec Lise. À cette heure, il n’y avait rien à faire qu’attendre. Mais dès à présent la victoire ne laissait guère de doute. La place, éclairée par toutes les fenêtres grandes ouvertes et garnies de curieux, se remplissait de troupes. Drapeaux en tête, des colonnes débouchaient par la rue Nicaise, par la rue de l’Échelle. Des canons roulaient sous les guichets du Louvre avec des échos caverneux. Il était près de dix heures.
    À ce moment, la malheureuse Élisabeth Le Bas, qui avait vu son mari refusé à la Conciergerie et à l’Abbaye avant d’être incarcéré à la Force, arrivait par la rue Antoine avec une voiture chargée d’un lit de sangle, d’un matelas, de linge pour Philippe. À l’entrée de la rue des Ballets, la jeune femme aperçut, à la lueur des réverbères un attroupement devant le guichet par lequel, dans la sanglante nuit de Septembre, tant de détenus étaient passés pour tomber sous les sabres, les piques et les coups de gourdins. Aujourd’hui aussi, aux cris de : « Vive la nation ! Vive la République ! » on faisait sortir des prisonniers. Les délégués de la Commune délivraient les Robespierristes incarcérés par la Convention. Parmi eux, Élisabeth reconnut son Philippe. Elle courut se jeter dans ses bras.
    Elle voulait l’emmener, le cacher. Il secoua la tête. Il devait se rendre au Conseil général. On l’y attendait pour combattre, mais il ne se leurrait guère. Tout en marchant avec elle, la tenant par le bras il l’exhortait à être forte, à se conserver pour leur petit Philippe. « Inspire-lui l’amour de la patrie, dis-lui bien que son père est mort pour elle. » Quatre jours plus tôt, plein de sombres pressentiments provoqués par le désaccord qu’il sentait grandir entre Maximilien et Saint-Just, il avait avoué à sa femme en se promenant avec elle au jardin Marbeuf : « Si ce n’était pas un crime, je te brûlerais la cervelle et je me tuerais. Au moins, nous mourrions ensemble. Mais non, il y a ce pauvre enfant. »
    En avançant vers la Maison commune, elle se serrait plus fort contre lui, sanglotante, l’arrêtant pour le couvrir de baisers. Entrés dans la rue du Martroi où l’on se coudoyait, ils parvinrent, trop vite hélas, sur la Grève. Après une dernière exhortation à retourner chez eux, une dernière recommandation pour leur fils, un dernier adieu, Le Bas, s’arrachant à l’étreinte désespérée, escalada les marches du perron et se

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