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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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public ne venait-il pas, chaque soir, au pavillon de Flore, rendre compte ?
    « Tu ne vas pas me dire que ton parent Fouquier-Tinville n’est pas un magistrat scrupuleux ? Comme substitut de Faure à mon ancien tribunal, il a montré le sens le plus exact de la justice, c’est pourquoi on l’a désigné à ce poste. »
    Claude était persuadé que les accusateurs, les juges, les jurés, travaillaient en honnêtes citoyens. Ils prononçaient maint acquittement. Assurément, ils ne pouvaient blanchir la reine ni les Brissotins, ni Manon Roland ni le malheureux Barnave. Il aurait fallu ne point les envoyer devant le tribunal, et il avait fait, lui, son possible pour qu’ils n’y comparussent pas. Malheureusement, les nouveaux Enragés étaient les plus forts. Tant qu’ils n’auraient pas eux-mêmes passé la tête à la chatière, la Terreur régnerait.

XI
    Elle sévissait par tout le pays. Louvet était en train d’en faire l’expérience. Depuis qu’il avait quitté ses amis brissotins demeurés dans la région bordelaise, il avançait peu à peu sur la route de Paris, courant sans cesse les plus grands risques.
    Au départ, il s’était affublé d’une « redingote nationale » et d’une petite perruque à la Billaud-Varenne, mais noire, avec laquelle il dissimulait ses cheveux blonds, frisottants et clairsemés. Il espérait offrir ainsi une apparence bien sans-culotte, en se rendant méconnaissable aux « maratistes » des comités révolutionnaires, qui devaient avoir reçu son signalement. La fatigue, l’angoisse, marquant ses traits, le changeaient aussi. On lui donnait bien plus que ses trente-trois ans.
    En beaucoup de temps, il ne faisait guère de chemin. Il lui fallait éviter les villes. Il ne pouvait coucher que dans les villages, car il n’avait pas de certificat de civisme et ne possédait, pour papiers, qu’un passeport datant de l’odyssée en Bretagne : un faux passeport de la municipalité de Rennes, au nom du citoyen Larcher. Dans la Gironde, un ami du curé constitutionnel qui les avait abrités tous les cinq s’était occupé de ce passeport. Un homme habile. Grâce à ses talents de faussaire, la pièce portait à présent quatre visas : un du bureau des classes de la Marine, à Lorient, et un de la municipalité, un autre du bureau de la Marine, à Bordeaux, le quatrième, du maire en personne. Tous certifiaient le passage, l’identité du citoyen Larcher, et sa réputation de bon sans-culotte. Ensuite, Louvet, connaissant le nom du président du Comité de surveillance de Libourne, avait ajouté cette signature. Mais le cachet manquait, ainsi que les visas des autres districts traversés depuis par le fugitif et auxquels il se gardait bien de se présenter. Pour comble de difficultés, il souffrait depuis quelques jours d’un rhumatisme dans la cheville gauche, qui prenait maintenant la violence d’une crise aiguë.
    Après avoir contourné Périgueux, un soir, à la nuitée il atteignit un hameau où, défaillant de fatigue et de fièvre, il fit halte à l’auberge pour demander un souper et un lit. « Oui bien, dit l’hôte, mais il faut d’abord me montrer votre passe. » En l’examinant, il secoua la tête. « Il n’est pas visé du chef-lieu. Je vois qu’il l’est de Libourne, sans quoi je vous ferais arrêter sur l’heure. Mais vous avez franchi Périgueux sans vous présenter aux autorités, cela ne va pas ! On vous y ramènera demain. »
    Louvet n’ignorait point qu’il y avait à Périgueux deux représentants en mission. Nécessairement, ils le connaissaient. Emmené là-bas, il était perdu, s’ils le voyaient. « C’est bon, dit-il en affectant la tranquillité, je croyais inutile, et même impossible, de faire viser mes papiers dans tous les districts que je traverse. On n’en finirait pas. À part ça, nous irons à Périgueux si vous y tenez, citoyen. Je n’y vois pas d’inconvénient, sinon celui d’allonger ma route, quand je suis déjà bien mal en point. »
    L’hôte se contenta de répondre : « Pardieu oui, vous y serez reconduit.
    — Allons donc ! » se récria un homme en carmagnole de futaine, seul autre client de l’auberge, qui achevait son souper. « Tu n’as pas le sens commun, mon ami. On n’est point tenu de prendre visa dans toutes les villes, et il y aurait de la cruauté à renvoyer sur ses pas ce pauvre citoyen, vu son état. À force de chicaner les voyageurs, on les dégoûte. C’est comme

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