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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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s’enhardit-il à lui déclarer :
    « Non seulement je ne suis pas un voleur, mais encore je les combats. Les voleurs, ce sont les gens qui guillotinent les négociants et détruisent le commerce par cette loi du maximum, ruineuse, inexécutable. Ce n’est qu’une permission donnée à tous les brigands de piller les magasins.
    — Bravo ! » s’exclama Cibot en assenant une claque amicale sur l’épaule de Louvet. « C’est juste ça, mon ami.
    — Eh bien, moi, je suis du commerce de Bordeaux. Je me suis prononcé contre les voleurs, les maratistes. Avec nombre de mes camarades, je leur ai fait la guerre, je la leur ai faite longue et mortelle. Enfin ils sont les plus forts, ils veulent ma tête, je me sauve. Voilà.
    — Bois un coup, et compte sur moi », s’écria le voiturier. Il leva son verre. « À ta santé, mon ami ! Tu as raison, ce sont des coquins, un tas de drôles qui n’ont jamais rien fait. Avec leurs impôts forcés, leurs réquisitions, ils mangent le bien de ceux qui travaillent. Et je te taxe à tant de livres, et je t’avise d’apporter ça et ça au magasin public, si tu ne veux pas être raccourci. J’avais un bon cheval, il m’avait coûté vingt beaux louis. Ne me l’ont-ils pas requéri, comme ils disent ! Ils l’ont tellement chargé, la pauvre bête, qu’il en est devenu malade et mort. Et ce divorce ! c’est aussi pour requérir ma femme qu’ils ont inventé ça. Est-ce qu’on peut m’ôter ma femme, sacrebleu ! Ah ! que j’ai bien fait, citoyen, de vous avoir défendu ! Vous ne me quittez plus, da ! Tout chacun me connaît sur cette route, avec moi vous ne risquez rien. »
    Ils s’embrassèrent fraternellement. Louvet paya le dîner puis, priant le brave Cibot de régler dorénavant leur dépense, lui remit à cette fin un assignat de cinquante francs. Ils repartirent et dès lors tout marcha on ne peut mieux. Ils couchèrent avant Thiviers, de façon à traverser de grand matin ce chef-lieu. Le fugitif s’était étendu à plat ventre sous la bâche qui recouvrait les marchandises. Personne n’y alla voir. Dans les villages, les petits bourgs, il ne se dissimulait pas, restait à demi couché sur la charrette, la jambe étendue, enveloppée d’un sarrau. Il avait l’air d’un pauvre volontaire blessé, sortant des hôpitaux et s’en retournant au pays en congé de semestre. Dans les auberges, Cibot répondait aux questions. Il donnait son compagnon pour un jeune Libournais de ses amis, nul n’en demandait davantage. Louvet s’estimait bien heureux. Parmi tous les Français qui, à cette heure, couraient comme lui les routes en se cachant, bien peu assurément avaient pareille chance.
    Le troisième jour, par un temps froid mais beau, on atteignit la bourgade d’Aixe, à trois lieues et demie de Limoges. Bien qu’il eût hâte d’arriver chez lui pour voir si, en son absence, les coquins n’auraient pas « requéri » sa bonne femme, Cibot se retenait de presser le train, de façon à n’entrer en ville qu’à la brune. Pas besoin de se cacher pour traverser Aixe : il n’y avait aucune garde. Louvet restait donc sur la carriole. Cibot, ayant donné plusieurs tours à la mécanique, soutenait ses bêtes avec les guides, car la rue descendait très fort en serpentant parmi de vieilles façades grises. Soudain on déboucha devant la Vienne qui partageait en deux la bourgade, franchissait une digue alimentant des moulins, et coulait, verte et calme, sous un pont. « Sacrédié ! » jura Cibot. Depuis son précédent passage, on avait établi là un poste. Une douzaine de gardes villageois se tenaient au pâle soleil, les uns assis, le fusil ou la pique entre les jambes, d’autres appuyés au parapet. Plusieurs reconnurent le voiturier. Ils l’accueillirent plaisamment. « Eh bé, Gustou ! qu’est-ce que tu nous amènes ? Une charretée d’aristocrates ? » Mais le factionnaire, qui paraissait n’avoir guère plus de seize ans, prenait son rôle au sérieux. Il barrait la route et dévisageait Louvet.
    « Qui es-tu toi, citoyen ? demanda-t-il. Montre ton passeport.
    — Mon passeport ! » dit Jean-Baptiste suant d’angoisse. Une inspiration lui vint. « Le voilà, petit bougre », répliqua-t-il en soulevant sa jambe malade. « Va-t’en comme moi te faire mettre à terre par les brigands de la Vendée ; après ça, tu pourras te présenter hardiment partout sans avoir besoin de montrer ton passe au premier

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