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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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s’habilla en hâte, descendit clopin-clopant. Plus de voiturier. Devant la porte, l’hôte montait à cheval. Il semblait avoir changé d’humeur depuis la veille. « Bon voyage ! lança-t-il aimablement. Je m’en vas à Périgueux. » Jean-Baptiste, traînant la jambe et s’appuyant sur le bâton qui lui servait de canne, prit la route, mais il trouvait singulier ce changement chez un homme si mal disposé la nuit dernière. Et pourquoi donc avait-il éprouvé le besoin d’annoncer comme ça où il allait ? Se rendait-il vraiment à Périgueux ? Ne galopait-il pas en ce moment, tout au contraire, vers Thiviers, pour y prévenir les Montagnards ?
    Un paysan s’avançait, la houe sur l’épaule. « Mon ami, lui demanda Jean-Baptiste, n’avez-vous pas croisé un cavalier en manteau gris, à peu près cinquante ans, brun, montant un cheval noir ?
    — Oui-da », dit l’homme.
    Louvet continua néanmoins, car il apercevait en avant son charretier de la veille, marchant auprès de ses bêtes qui tiraient avec peine. Depuis le hameau, la route montait rudement. L’attelage fumait dans l’air froid, sous le ciel blême, et n’allait pas vite. Jean-Baptiste, malgré sa boiterie, l’eut rattrapé bientôt. « Eh, bonjour, fit-il d’un ton jovial. Notre hôte est donc devant nous ! » Le Limougeaud, secouant la tête, répondit non, en continuant d’encourager de la voix ses chevaux. Perplexe, Louvet le dépassa pour gagner le haut de la côte et voir au loin. Sur ce sommet, il rencontra un voyageur qui répondit à ses questions : « Oui, j’ai croisé votre homme. Vous ne manquerez pas de le rejoindre, il vient de s’arrêter en bas, au bourg que vous pouvez distinguer d’ici. » Un gros village groupait en effet ses toits ocre et roses dans la vallée de part et d’autre de la route, entre des bois de chênes truffiers aux feuilles mortes mais tenaces.
    Dans ces conditions, il n’y avait plus à balancer : il fallait retourner vers Périgueux et courir le risque de s’y faire viser. Mieux valait encore s’y présenter de soi-même que d’y être conduit par une bande de dénonciateurs maratistes. Pour le pauvre Louvet, ses ennemis restaient des « maratistes ». Il n’ignorait point la mort de Marat, sans se douter de l’importance prise depuis par Hébert. Il ne savait pas que Gay-Vernon avait écrit : « Nous ne sommes plus maratistes, car il n’y a plus de Marat. » Comme, accablé, il retournait sur ses pas en claudiquant, il retrouva le voiturier.
    « Eh quoi ! s’exclama celui-ci avec surprise. Vous revenez ? Avez-vous perdu quelque chose ?
    — Oui, ma peine et mon temps. Je vais à Périgueux puisqu’il le faut. Mais vous, qui m’aviez inspiré confiance, pourquoi m’avez-vous trompé ? Pourquoi vous unir à ce traître ?
    — Quel traître ?
    — L’aubergiste, parbleu. Il a passé sur son cheval noir, avec son manteau gris. Il vous a prié de ne m’en rien dire, il est allé me dénoncer au bourg.
    — Pas un mot de vrai là-dedans ! se récria le Limougeaud. Je l’ai bien vu, ce cavalier. Ce n’est pas notre hôte. Tenez, mon pauvre ami, ajouta-t-il, vous me faites compassion. Dans l’état où vous êtes, avec votre jambe enflée jusqu’au genou, vous retourneriez à Périgueux ! Allons donc ! Croyez-moi, montez sur ma carriole et venez dîner aux Pallissous. C’est ce village. Dans ma compagnie, personne ne vous cherchera chicane, je vous promets. »
    La route raboteuse secouait furieusement la charrette. Louvet se cramponnait pour n’être point jeté bas, et cependant quelle amélioration ! N’avoir plus à se traîner, plus à craindre. Là-dessus, il ne se rassurait pas encore complètement, mais quand on fut arrivé aux Pallissous, devant un bon repas, les choses achevèrent de tourner au mieux. Jean-Baptiste apprit que l’aubergiste dont il avait eu si peur se souciait fort peu des aristocrates et des girondistes, et le soupçonnait tout simplement d’être un voleur.
    « Moi, je sentais que vous ne l’étiez pas, dit Cibot, le voiturier. L’air n’y fait rien, les brigands ne parlent pas comme vous. Bourliguet a entendu raison, puis vous avez payé à sa femme, ils n’ont plus voulu vous arrêter. Je les connais, ce sont de bonnes gens, ils s’occupent de leurs affaires et rien d’autre. »
    D’après la conversation de la veille, Louvet se doutait que son compagnon n’appréciait guère les Montagnards, aussi

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