Une histoire du Canada
congrès du parti libéral, les membres ratifient un changement de stratégie. sur un plan abstrait, le parti maintient sa ferveur envers le libre-échange mais celui-ci n’a aucune valeur comparé à la perspective de victoire aux élections. Les libéraux ne toucheront donc plus à l’essence du tarif canadien. il est permis d’apporter des retouches aux marges tarifaires pour plaire aux agriculteurs-électeurs de l’Ontario et de l’Ouest, mais plus question d’envisager la réciprocité avec les états-Unis.
Pas tant que le souvenir des élections de 1891 ne se sera pas estompé.
RELiGiOn ET pATRiOTiSmE
Comme il se doit, le dix-neuvième siècle prend fin au Canada de la même manière qu’il a commencé, sur une note de divergence religieuse.
La religion occupe une grande place au Canada, comme presque partout ailleurs dans le monde occidental. aux états-Unis, en irlande, en australie, comme au Canada, la pratique politique est ancrée dans des différences confessionnelles et la persuasion par la religion est l’élément le plus fiable permettant de prédire à qui un particulier donnera son vote.
C’est entre catholiques et protestants qui, officiellement à tout le moins, se dévisagent avec une frayeur mêlée de dégoût, qu’existe la plus grande division. dans les ménages protestants, on trouve encore le livre des 222
UnE HIsTOIRE dU Canada
martyrs de John Fox, publié à l’origine en 1563 et qui relate en détail la fin dans un bain de sang des saints protestants aux mains de leurs persécuteurs catholiques. La loge orangiste garde frais à la mémoire le fait que la liberté anglaise ait échappé de justesse à la tyrannie catholique en 1688 et le défilé des Orangistes qui se tient le 12 juillet demeure un événement important dans un pays où les gens sont friands de fanfares et de processions, qui font partie des rares spectacles gratuits auxquels le public ait droit. Comme d’autres festivals patriotiques, la fête du 12 juillet au Canada est centrée sur un patrimoine et un univers situés en dehors du pays : la religion et l’empire constituent la dotation historique du Canada.
Les catholiques irlandais ont leur défilé de la saint Patrick et, au Québec, aucune procession religieuse ne saurait être complète sans son contingent de Zouaves pontificaux, des vétérans ou des vétérans en puissance de la courte guerre visant à protéger les états papaux contre l’intégration à l’italie unie en 1870. Pour reprendre les termes utilisés par l’historien arthur silver, au Québec, on observe un « mariage entre la religion et le patriotisme »21. si les Canadiens anglais se tournent vers la Grande-Bretagne et, par extension, son monarque protestant et ses institutions politiques, les Canadiens français contemplent l’univers plus vaste du catholicisme. La réalité du catholicisme va être mise en péril par les forces du nationalisme, du protestantisme, du modernisme et du laïcisme, et ces forces sont à l’œuvre au Canada également.
en 1870 et 1885, les rébellions de riel ont laissé leur marque sur les relations entre Français et anglais et entre catholiques et protestants mais on observe d’autres frictions également. religion et enseignement forment un mélange volatil. On tient en haute estime l’enseignement, étroitement lié au progrès et au développement mais aussi à la formation morale des futurs citoyens. L’enseignement relève de la compétence provinciale et toutes les provinces soutiennent les écoles à l’aide de taxes. en Ontario et au Québec, les systèmes public (protestant en réalité) et catholique coexistent ; enchâssés dans la constitution, ils sont à l’abri de la capacité des majorités religieuses locales de les modifier. La constitution manitobaine est le reflet de l’équilibre initial entre anglophones et francophones et entre catholiques et protestants : le français est officiellement reconnu et il existe un système scolaire catholique distinct. ailleurs, la minorité catholique est à la merci de la tolérance de la majorité protestante face à la protection de certains segments du système scolaire pour permettre l’enseignement catholique. dans la même veine, la pratique des langues est elle aussi question de grâce ou de faveur car, à l’exception du Québec, du Manitoba, du Parlement d’Ottawa et des cours fédérales, l’utilisation du français ne fait l’objet d’aucun
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