Une histoire du Canada
moins élevés avec les états-Unis, mais il s’agit là d’une ambition irréalisable.
il reste le marché intérieur et la politique à son sujet. L’avantage politique dicte un régime de tarifs élevés, dont les retombées sont bien perceptibles aux états-Unis, où ils représentent le ciment invisible qui lie les fabricants au Parti républicain favorable à des tarifs élevés. Cette convergence d’intérêts est enrobée de nationalisme : on assure aux électeurs que c’est faire preuve de patriotisme que de soutenir des tarifs élevés. Macdonald ne voit aucune raison de ne pas imiter les républicains. il donne à son régime tarifaire le nom de « Politique nationale ». inaugurée en 1879, elle demeurera la pierre angulaire de la politique commerciale canadienne pendant les cent années qui suivront.
La technique est simple. Bien qu’il soit petit, le marché canadien est suffisamment grand pour soutenir l’industrie locale, pour autant qu’on puisse protéger cette dernière de la concurrence étrangère. Le gouvernement demande donc aux parties intéressées d’exposer leurs vues puis les transmet à un petit groupe de conseillers à Ottawa. il est très rare que l’on tienne compte des intérêts des consommateurs, uniquement lorsque les consommateurs représentent un intérêt commercial en mesure de faire sentir son influence à Ottawa. La politique a certes son rôle à jouer : il faut mettre les exactions tarifaires dans la balance avec le ressentiment au sein des diverses régions du pays. dans le cas de la Colombie-Britannique, par exemple, les tarifs représentent une concession par rapport à la promesse 9•expansioneTdésillusion,1867–1896
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de chemin de fer19. dans les régions rurales, les tarifs sont impopulaires.
en Ontario, on peut mettre le sentiment anti-tarifs douaniers en équilibre avec d’autres questions et intérêts, tandis que l’Ouest canadien est toujours tellement sous-peuplé que ses intérêts n’ont guère de poids. L’argument selon lequel l’industrie représente une composante essentielle de l’édification de la nation est puissant ; il laisse entendre que les sacrifices actuellement consentis sous forme de prix plus élevés seront récompensés par une importance économique et politique future. résultat ? Un tarif douanier certes suffisamment élevé, bien que moins élevé que chez le partenaire américain, ce qui ne fait que prouver qu’il reste de la place pour une hausse tarifaire aussi bien que pour la croissance économique.
REVOici LES AméRicAinS : cOmmERcE ET RécipROciTé À la fin du dix-neuvième siècle, le commerce est au service de la politique, le produit de la politique non seulement canadienne mais aussi américaine. (Comme la Grande-Bretagne maintient une politique de libre-échange avec toutes les régions du monde, les batailles politiques britanniques n’entrent nullement en jeu). Le protectionnisme américain a le vent dans les voiles à la fin du dix-neuvième siècle ; l’anti-protectionnisme ou les perceptions libérales du commerce sont l’apanage des économistes universitaires, des agriculteurs et autres récriminateurs congénitaux. C’est une période au cours de laquelle le pouvoir exécutif est faible et le Congrès dominant, qui ne prête l’oreille qu’aux arguments qui se traduisent par des votes ou, à l’occasion, par des rentrées de fonds permettant d’acheter des électeurs.
Comme le Congrès peut s’en rendre compte, l’idée qui prévaut est qu’il faut examiner les échanges commerciaux avec le Canada un produit à la fois, se demander s’il serait possible de trouver suffisamment d’intérêts à mobiliser pour bloquer une importation canadienne en particulier. La question des pêches revient périodiquement à l’avant-plan. Les sénateurs de la nouvelle-angleterre réagissent avec empressement à toute plainte de leurs commettants pêcheurs ; c’est toujours une mauvaise nouvelle pour le gouvernement canadien, qui s’efforce de maintenir la primauté des pêcheurs des provinces maritimes dans les zones de pêche canadiennes.
Le traité de Washington donne aux américains l’accès par voie de location aux zones de pêche canadiennes et établit un tribunal d’arbitrage chargé de fixer le montant du loyer. La sentence arbitrale de Halifax de 1877 qui en résulte donne 5,5 millions $ au Canada, davantage que ce que les américains avaient prévu. devant la colère des
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