Une histoire du Canada
politiciens américains, 220
UnE HIsTOIRE dU Canada
le gouvernement des états-Unis paie la note de mauvaise grâce. en 1885, le Congrès demande à l’administration américaine de dénoncer l’entente sur les pêches mais la question des pêches en revient dès lors à son précédent état, un mélange d’incertitude et de confrontation20. Le Congrès ne propose pas la moindre solution, laissant au malheureux pouvoir exécutif le soin de s’arranger du mieux qu’il le peut.
aucun des deux gouvernements n’est particulièrement intéressé par une confrontation et, par l’entremise d’une série d’expédients temporaires, ils évitent le pire. Le poisson fait l’objet d’une ronde de négociations à la fin des années 1880, qui ne contribuent guère à résoudre le problème, mais ont pour effet de raviver, du côté canadien, toute la question des échanges avec les états-Unis.
de nombreux Canadiens s’inquiètent de voir l’économie de leur pays à la traîne. La lenteur de la croissance canadienne, le provincialisme constant de sa politique et le manque relatif de prospérité et d’occasions par rapport aux états-Unis suffisent à persuader certains de se mettre en quête d’une union plus vaste avec la république. Le plus ardent défenseur de ce courant d’opinion est Goldwin smith, un ancien professeur aux universités d’Oxford et de Cornell et, dans les années 1880, la mouche du coche en permanence de toronto. À l’abri des pressions locales grâce à la fortune de sa femme, smith écrit, d’une plume vigoureuse, des textes portant sur l’échec de l’expérience canadienne et réclame l’annexion par les états-Unis.
nul ne sera surpris d’apprendre que les opinions de smith suscitent l’irritation de Macdonald et des membres de son gouvernement, mais ceux-ci sont gênés de devoir admettre que de nombreux Canadiens jetteraient leur dévolu sur un retour à l’entente de réciprocité des années 1850 et à la prospérité qui y est associée dans la mémoire publique. Macdonald sait qu’il lui sera impossible de l’obtenir à des conditions qui puissent paraître le moindrement acceptables pour son parti ou le pays car la seule possibilité d’amener les américains par supercherie à une quelconque entente globale ou efficace est de combiner un accord économique avec une union politique.
Macdonald a de la chance avec ses opposants. Les libéraux rêvent du libre-échange tout en sachant fort bien qu’il ne suffira pas à se gagner les divers intérêts que le programme protectionniste de sir John – grandiosement appelé la Politique nationale – a attirés vers le Parti conservateur. Libre-échange plus accès au marché américain, voilà le truc pour confondre les conservateurs et remporter les prochaines élections. À
la tête des libéraux depuis 1887, Wilfrid Laurier trouve cette perspective irrésistible. Pour les élections de 1891, les libéraux défendront la réciprocité sans restrictions avec les états-Unis.
9•expansioneTdésillusion,1867–1896
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Une fois de plus, en 1891, la politique prend le pas sur l’économie.
sir John joue la carte de la loyauté, laissant entendre que les libéraux sont, aux mieux, une bande de fous – il en existe de bonnes preuves – et, au pire, des bandits et des traîtres. « Je suis sujet britannique et né britannique, proclame Macdonald, et j’espère mourir sujet britannique. » À l’âge de soixante-seize ans, c’est une promesse qu’il a de bonnes chances de remplir et, de fait, après avoir mené son parti à la victoire au terme des élections de mars 1891, il s’éteint en juin. tout cela laisse de côté un point mineur : il n’existe aucune bonne raison de s’attendre à ce que les hommes politiques de Washington voient la réciprocité sans restrictions comme une occasion qu’ils ne peuvent laisser passer.
ayant reçu toute une correction, Laurier se demande pourquoi l’épée de la réciprocité a bien pu fléchir dans ses mains. il tire la bonne conclusion : sur le plan politique, il est extrêmement dangereux de toucher à l’identité britannique du Canada. La meilleure politique réside dans la loyauté et il ne fait aucun doute que des tarifs élevés représentent un symbole de l’identité canadienne. Macdonald a greffé les tarifs sur la politique canadienne et, pendant le siècle qui suivra, politique et protection iront de pair au Canada.
en 1893, lors d’un
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