Une histoire du Canada
manifestent devant les bâtiments des quotidiens français de la ville, siège du « manque de loyauté soupçonné », le Star fournit la bière pour défendre la cause. il s’ensuit bien entendu une émeute ; il faut faire appel à la milice et le gouverneur général envoie en Grande-Bretagne des dépêches chargées d’anxiété, déclarant qu’il y a des « raisons de s’inquiéter ». Carman Miller, l’historien qui couvre ces événements, commente « les insultes et la violence verbale des journaux à sensation » de Montréal ; c’est exactement ce que craignait Laurier31.
Les craintes se dissipent, bien que la guerre continue de faire rage.
Les Boers mènent une campagne de guérilla contre les forces impériales, qui répliquent en encerclant des Boers non combattants et en les plaçant dans des camps de concentration, où beaucoup meurent de faim. Leur but est de couper les vivres et le soutien aux guérilleros et d’aider l’armée à miner leur résistance. Les Boers finissent par en avoir assez et se rendre.
La reine victoria ne voit pas la fin de la guerre et c’est son successeur, édouard vii, qui préside la proclamation de la paix, qui survient juste à temps pour son couronnement, en juin 1902. Comme tous les premiers ministres coloniaux se rendent à Londres à cette occasion, Chamberlain en profite pour tenir une nouvelle conférence coloniale32.
en dépit de la victoire en afrique du sud, la situation n’est pas aussi rose qu’en 1897. sur le plan diplomatique, les Britanniques ont connu 10•explosioneTmarasme,1896–1914
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l’isolement pendant la guerre d’afrique du sud et l’impopularité de la Grande-Bretagne sur le continent européen fait peine à voir. À la conférence coloniale, Laurier résiste de nouveau aux flatteries de Chamberlain à propos de l’unité impériale, sous quelque forme qu’elles soient présentées ; mais même s’il ne l’avait pas fait, il n’y a aucun motif de croire que le gouvernement britannique lui-même aurait accepté de grandes réformes dans la constitution de l’empire. Pour l’essentiel, les choses ne bougent pas, quoique Chamberlain ne soit plus chef du gouvernement à ce moment. en 1903, il se retire du cabinet britannique en raison de la « réforme tarifaire », c’est-à-dire, de la reconstruction d’une barrière tarifaire britannique en guise de protection de l’économie britannique contre la concurrence étrangère. Le départ de Chamberlain entraîne le report de la réforme tarifaire de l’empire d’une génération ; quand la question reviendra sur le tapis en 1931, ce sera dans des circonstances bien différentes.
Le mécontentement à l’endroit de l’empire a d’autres motifs. Le traité de Washington a laissé un goût amer mais, après tout, il n’a pas représenté une catastrophe pour le Canada. dans les années qui ont suivi, les relations anglo-américaines étaient bonnes en général, quoique ponctuées d’éruptions occasionnelles à Washington. Ces éruptions sont le signe d’un problème plus vaste. Comme le dit Oscar Wilde, les états-Unis et la Grande-Bretagne sont séparés par une langue commune, c’est-
à-dire qu’ils peuvent exprimer leurs désaccords et être compris. il reste la culture et l’histoire. il y a aussi la race, un élément essentiel dans des années 1890 marquées par la conscience raciale. Les vieilles habitudes et les vieux comportements hérités des îles Britanniques et remontant bien avant la révolution américaine persistent33.
Le gouvernement britannique est vaguement conscient du fait que, si les états-Unis ne sont pas précisément amicaux, ils ne sont à tout le moins nullement hostiles. La Grande-Bretagne se retrouvant isolée en europe et l’équilibre des pouvoirs étant incertain, les Britanniques prennent raisonnablement le parti de la prudence dans leurs relations avec les états-Unis34. il n’y a pas de conflit important entre les intérêts britanniques et américains et les Britanniques s’empressent d’éliminer tous les irritants qu’ils peuvent trouver35. Les Britanniques ne sont donc pas du tout contents de voir Laurier créer un nouvel irritant le long de la frontière de la péninsule de l’alaska.
Cette frontière a été établie en vertu d’un traité signé entre la Grande-Bretagne et l’empire russe, à qui appartenait l’alaska, en 1825.
La russie avait alors concédé l’intérieur du territoire à la
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