Une histoire du Canada
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UnE HIsTOIRE dU Canada
désespérée et où le secteur des pâtes et papiers entre dans la longue nuit de la Crise. des usines à l’arrêt témoignent bien du gâchis que les gens ressentent : une main-d’œuvre formée, des usines modernes et pas d’argent. Certaines parties de la campagne en Ontario et ailleurs reprennent une économie fondée sur le troc, dans laquelle on paie des services, des médicaments par exemple, avec des poulets ou du lait, que les prestataires des services, des médecins, par exemple, sont heureux de recevoir. L’association médicale canadienne se met à publier des articles sur la médecine socialisée à l’intention de ses membres. Certaines choses pourraient se révéler meilleures que le marché.
Même le premier ministre Bennett doit admettre son inquiétude.
C’est un spécialiste des dissensions publiques : « ses manières sont celles d’un gangster de Chicago », observe un homme politique britannique, mais il y a une limite aux humiliations qu’il peut faire subir à ses malheureux collègues provinciaux. Grâce à la gestion fiscale peu inspirée de Mackenzie King pendant les années 1920, c’est le gouvernement fédéral qui est le plus solvable au Canada. Bennett sait très bien que si un autre gouvernement important s’effondre, tombe en faillite, cela aura une incidence sur le crédit dont jouit Ottawa. il ne peut rester indifférent devant le sort des provinces. de petites villes pourraient tomber en faillite et certaines le font : Windsor et saskatoon, pour n’en nommer que deux, mais non toronto et Montréal. Ce n’est que grâce à de l’argent provenant d’Ottawa que certains gouvernements provinciaux sont maintenus à flot et peuvent payer les porteurs de leurs obligations. s’il fallait que la source des subventions se tarisse, quatre ou cinq des neuf provinces feraient face à la faillite.
La lutte pour les subventions dévore la politique intérieure de Bennett pendant les cinq années qu’il reste au pouvoir. Manifestement, sa politique extérieure passe au second plan, même s’il a fait, dès le départ, du commerce et de la politique commerciale le plat de résistance de ses promesses électorales. Les circonstances lui permettent de réaliser une chose sur le plan commercial. Par hasard, la Grande-Bretagne est à bout de patience en matière de libre-échange. L’étalon or a eu raison de la livre sterling et le commerce britannique est en proie aux tarifs élevés imposés par d’autres pays qui défient la logique et le dogme du libre-échange. Le gouvernement britannique, le Gouvernement national, devait passer à l’action et, après avoir écrasé l’opposition aux élections de 1931, il le fait. il imposera des tarifs. temporairement, les dominions en sont exempts étant donné qu’on prévoit la mise en place d’un système de préférences tarifaires impériales.
On organisera une Conférence économique impériale qui réglementera les conditions des échanges commerciaux au sein de l’empire-Commonwealth.
Cette conférence aura lieu à Ottawa en juillet 1932.
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Le moment et le lieu de la conférence d’Ottawa sont mal choisis.
il n’y a qu’une salle suffisamment grande dans la capitale canadienne pour accueillir les délégués en provenance de tout l’empire et c’est la Chambre des communes, dans l’édifice du Centre du Parlement, tout dernièrement restauré. La Chambre des communes ne convient pas à une ambiance de collaboration ; c’est la confrontation qui est son fort et l’aménagement de la pièce correspond à cette fonction. Pire encore, personne ne semble avoir tenu compte du climat d’Ottawa ; en juillet, dans la capitale, la chaleur est généralement étouffante et le taux d’humidité très élevé.
Les tempéraments s’échauffent, surtout entre Bennett et les Britanniques, lorsque la délégation britannique s’aperçoit que, si Bennett croit en l’unité économique impériale, il pense qu’il revient à quelqu’un d’autre d’en payer le prix. déjà, le Canada a consenti un tarif réduit à la Grande-Bretagne ; il incombe à présent à la délégation britannique et à celles des autres pays de trouver les moyens de l’égaler. il en ressort une série d’ententes, de forme bilatérale, en vertu desquelles les différentes parties de l’empire s’accordent mutuellement un traitement de faveur sur le plan
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