Une histoire du Canada
établi la paix en amérique du nord, mais c’est une paix très précaire. Pour l’obtenir, les Britanniques ont sacrifié leurs alliés amérindiens, qui se retrouvent à la merci des américains et au bord de l’absorption dans la république. Les questions frontalières demeurent irrésolues ; au sein de la république américaine, l’humeur est à l’expansion et à l’agression ; et, un peu plus loin, l’empire espagnol en amérique est ébranlé par la révolution. Le gouvernement britannique est obsédé par la crainte d’une révolution chez lui tout autant que ses alliés le sont par la crainte d’une révolution à l’étranger. il n’existe aucune garantie, aucune certitude, que les états-Unis ne tenteront pas à nouveau d’annexer le Canada et de réaliser le rêve de la révolution américaine.
Les choses prennent un tour totalement différent. Jamais les relations entre l’amérique du nord britannique et les états-Unis ne sont harmonieuses, mais la guerre de 1812 se révèle être la dernière guerre officiellement reconnue le long de la frontière. dans les années qui suivent 1815, petit à petit, l’attention des américains se tourne ailleurs et vers d’autres enjeux – vers leur frontière occidentale plutôt que vers le nord, vers l’immigration et ses problèmes, vers la guerre avec le Mexique plutôt qu’avec la Grande-Bretagne, et vers l’esclavage et leurs propres contradictions internes. sans nécessairement devenir peu à peu étrangers l’un pour l’autre, le Canada et les états-Unis n’en deviennent pas moins plus distants.
Le maintien des liens avec la Grande-Bretagne y est pour beaucoup, mais aussi l’afflux d’immigrants britanniques au Canada, qui finissent par se chiffrer à plus de cent mille, ce qui signifie que le Canada est en réalité davantage britannique en 1840 sur le plan démographique qu’il l’était en 1800 ou en 1815. On estime que l’émigration des îles Britanniques vers 137
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l’amérique du nord britannique passe de 3 370 personnes en 1816 à 23 534
en 1819 et 66 000 en 1832. Les chiffres continuent de croître pendant les années 1840 jusqu’à ce que, en 1847, le nombre de migrants britanniques en amérique du nord britannique atteigne presque 110 0001. Beaucoup plus de la moitié d’entre eux vient d’irlande et, sur le total des irlandais, les protestants sont environ deux fois plus nombreux que les catholiques2.
Cet afflux d’immigrants s’explique du fait que l’amérique du nord britannique est entrée dans une phase de croissance et d’évolution chaotiques. Le bois d’œuvre et les sciages alimentent le développement du nouveau-Brunswick et des deux Canadas. La technologie représente un des moteurs du changement : la génération qui suit 1815 est témoin de l’exploitation de l’énergie de la vapeur ; des machines à vapeur font leur apparition dans les moulins à bois et les usines, ainsi que sur les bateaux à vapeur et dans les trains. Ouvrages complexes et coûteux, des canaux établissent un contact direct entre l’océan et les Grands Lacs. L’invention et le perfectionnement du chemin de fer transforment les distances, et les bateaux à vapeur rapprochent l’europe et l’amérique du nord. Pour communiquer, il n’est plus nécessaire de se déplacer : le télégraphe remplace l’estafette et le chemin de fer remplace la diligence et le chariot.
Les hommes politiques essaient de répondre aux miracles de l’époque. Le développement entraîne sa propre récompense puisqu’une économie plus développée se traduit par une plus grande affluence de travailleurs. La vie demeure difficile, mais plus autant. Les sciages partent pour la Grande-Bretagne et les navires transportant le bois sont bourrés d’immigrants au retour ; cela commence lentement, mais le nombre d’immigrants explose après le milieu des années 1820. À mesure que la vapeur remplace la voile, les navires sont de plus en plus rapides. Les temps de transport et les tarifs transocéaniques chutent, contrairement au nombre d’immigrants. Les gouvernements sont encouragés à investir dans le transport, dans des canaux d’abord, puis dans les chemins de fer. ils recueillent l’argent nécessaire grâce aux taxes et impôts, mais aussi grâce à des prêts, qui entraînent des dettes. impôts et contribuables comblent l’appétit des promoteurs et des spéculateurs mercantiles ; entre-temps,
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