Une histoire du Canada
propos des réserves du clergé, de l’éducation ou de la conduite des fonctionnaires nommés.
Comme au Bas-Canada, l’inflexibilité mène tout droit à la confrontation. strachan et ses amis étouffent une première tentative d’un radical d’origine écossaise, robert Gourlay, de remettre en question leur attitude. Gourlay est arrêté, deux fois acquitté par des jurys, puis finalement trouvé coupable et déporté en 1818. son départ laisse la place à un autre écossais, plus difficile celui-là.
William Lyon Mackenzie est né en écosse en 1795. après une folle jeunesse, il immigre au Haut-Canada en 1820 pour finir par s’établir dans la capitale provinciale, York, en 1824. il y apporte son quotidien, The Colonial Advocate, son tempérament agité, un sentiment aigu de victimisation, tant individuelle que générale, et un talent inégalé pour les vitupérations. il y trouve une matière abondante pour alimenter sa plume et ne tarde pas à soulever l’ire des membres de la minuscule élite de la capitale, à tel point qu’en 1826, certains de leurs fils se vengent de lui en jetant sa presse à imprimer dans les eaux du port. C’est le point de départ du succès de Mackenzie, qui, par la suite, n’est plus seulement une victime imaginaire de la persécution officielle, mais bien une véritable victime. Cette victime poursuit ses tortionnaires et se voit donner raison ; avec l’argent qu’il reçoit à titre d’indemnisation, Mackenzie bâtit à la fois son quotidien et sa réputation.
au moment d’entreprendre sa carrière au Haut-Canada, Mackenzie est convaincu du fait que, bien appliquée, la constitution britannique répondra aux besoins politiques de la colonie et à sa prospérité future, et défend cette idée. en cela, il est semblable à d’autres réformateurs, tels William Warren Baldwin ou son fils robert, ou même Marshall spring Bidwell. Mais, comme Papineau au Bas-Canada, il tourne le dos au modèle britannique qui, selon lui, ne permettra jamais aux gens – ce qui revient à dire lui-même – de se faire entendre.
en réalité, les revendications de réforme de Mackenzie sont partagées par bien d’autres personnes, des méthodistes et d’autres protestants, qui réclament du gouvernement d’être traités sur un pied d’égalité avec les 7•TransformaTionseTrelaTions,1815–1840
163
anglicans et qu’il mette un terme aux privilèges de l’église établie par John strachan, et des agriculteurs, qui réclament des chemins plus carrossables pour leurs exploitations, de meilleures écoles pour leurs enfants, de meilleurs prix pour leurs produits, en plus d’une réduction de leur fardeau fiscal. L‘oligarchie retranchée oppose une fin de non-recevoir à toutes ces revendications. Mackenzie ne se gêne pas pour emprunter aux radicaux américains contemporains les idées de son programme économique ; déjà confus dans sa version originale américaine, celui-ci devient un véritable embrouillamini quand Mackenzie finit de le triturer.
Peu importe le détail des événements. C’est le combat entre Mackenzie et les membres de l’oligarchie qui domine la scène politique, et les derniers – les membres du Pacte de famille – font sans le savoir tout ce qu’ils peuvent pour aider Mackenzie : ils l’expulsent de l’assemblée, assurant ainsi sa ré-élection. Le gouvernement britannique, qui tâche d’imposer son propre programme de réforme politique en Grande-Bretagne et est par conséquent sensible à l’accusation d’agir de façon arbitraire et répressive dans les colonies canadiennes, est bouleversé devant le brouhaha qui en résulte.
La réaction du gouvernement consiste essentiellement à en appeler à la loyauté et au respect des liens avec la Grande-Bretagne. ses chances s’améliorent grâce à une immigration britannique soutenue, à l’établissement de régiments dissous et à un afflux d’officiers disponibles, tous des facteurs qui permettent, dans certaines régions, de surpasser en nombre les anciens habitants d’origine américaine ou entretenant des liens avec les états-Unis.
Cependant, les politiques démographiques se caractérisant toujours par leur lenteur et leur incertitude, il faut trouver une méthode plus rapide.
Certes, aux yeux de l’institution anglicane, les méthodistes sont sectaires, indécents et enthousiastes à l’égard de leur pratique religieuse mais leur principale revendication porte sur le statut
Weitere Kostenlose Bücher