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Une irrépressible et coupable passion

Une irrépressible et coupable passion

Titel: Une irrépressible et coupable passion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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effusion sur ses avant-bras ou
sur son torse, tandis qu’il conversait avec elles de sa voix de baryton
raisonnable et apaisante.
    Ruth n’y tenait plus. Elle eut l’impression qu’elle
suffoquait, que sa gorge se resserrait. Son cœur cognait si fort que toutes les
personnes à proximité devaient se poser des questions sur ce raffut. Puis elle
s’évanouit.
    Elle reprit ses esprits par terre, quelques minutes plus
tard, et considéra Judd agenouillé auprès d’elle, qui lui éventait la figure
avec son feutre mou. Plein de sollicitude.
    « Espèce de salaud, articula-t-elle.
    — Ruth, ma chérie, je t’en prie. Ne dis pas ça. Tu es
sur les nerfs. »
    Les adoratrices de Judd la foudroyaient du regard. Des
laiderons et des roulures, toutes autant qu’elles étaient.
     
    Ruth se reposa un peu cette après-midi-là, tenaillée par la
certitude que, soumis à autant de tentations sur la route, Judd n’eût su
résister au réconfort et à la gratification du sexe. Après tout, il était avéré
qu’Henry Judd Gray était le genre d’homme à tromper son épouse. Et la jalousie
de Ruth était telle que, afin de se venger des infidélités présumées de Judd,
sitôt à l’hôtel Montgomery d’Amsterdam, elle insista pour passer un ruineux
coup de fil chez elle aux frais de Benjamin & Johnes.
    « Où est-ce que je devrais être en ce moment ?
s’enquit-elle, pendant que le téléphone sonnait dans le Queens.
    — Oh, quelque part au Québec, je suppose. »
    Judd se mit à l’aise sur le lit et termina sa flasque,
tandis que, pour compenser la distance, Ruth s’écriait :
    « Allô, maman ? Je suis au Québec !
Montréal ! Oui, c’est très beau ! Bien joli, en fait ! Et
tout le monde ici est tellement malin ! Même les petits enfants parlent
français ! plaisanta-t-elle, avant de couvrir le récepteur de la main.
Elle n’a pas compris la blague, souffla-t-elle à Judd. Comment vont les choses
chez vous, maman ? reprit-elle à tue-tête. Comment va le
bébé ? »
    Judd bondit du lit et remit sa veste et son chapeau.
    « Je reviens », lâcha-t-il.
    Il parcourut quelques rues dans le centre d’Amsterdam,
jusqu’à ce qu’il trouvât une quincaillerie encore ouverte où il savait pouvoir
acheter du whisky au sous-sol. Une bouteille de Johnnie Walker de contrebande
lui coûta toute une journée de commissions, mais il estima que du whisky haut
de gamme lui ferait moins mal aux cheveux.
    Quand il revint, Ruth raccrochait.
    « Albert est souffrant, lui apprit-elle.
    — C’est grave ?
    — D’après Josephine, oui. »
    Judd se servit du scotch dans un verre à dents et demanda
pour la forme :
    « Tu veux rentrer ?
    — Niet… Le vieux crabe peut bien crever. »
    Elle craignit de l’avoir choqué, mais s’aperçut qu’il
souriait.
    « Mince, fit-il, pensif. Ça, ce serait vraiment quelque
chose à fêter. »
    Elle s’approcha de lui et le serra contre elle, tandis
qu’elle lui chuchotait :
    « Oh, ce que je peux t’aimer, toi, en cet instant. Que
dirais-tu de baiser toute la nuit ? Ça serait pas bonnard ? Ça te
tente ?
    — Serait-il digne d’un homme d’élever des
objections ? »
    Elle plongea son regard dans les yeux de flanelle bleue de
Judd avec gravité et sincérité.
    « Tu as des fantasmes inavouables ? Des trucs que
tu désirerais essayer ?
    — Oui », confessa-t-il avec un soupçon de honte.
    Elle sourit.
    « Alors, essayons. »
     
    Au fil de la tournée, ils s’endormaient chaque soir un peu
plus tard, jusqu’à ce que Judd finît par se réveiller à midi, encore exténué,
dans une brume de whisky. Après Amsterdam, il effectua une visite à
Gloversville, suivie d’une virée dans les forêts chamarrées bordant la Black
River jusqu’à un bazar pour dames de Boonville et trois magasins de lingerie à
Watertown. Et le samedi soir, à Syracuse, Joseph Grogan, le gérant de l’hôtel
Onondaga, qui connaissait Judd, fut si ravi de rencontrer enfin Mrs Gray
qu’il leur octroya une chambre luxueuse digne d’un grand d’Espagne. Judd
s’éveilla le dimanche matin au son réprobateur des cloches de l’église, mais
dégotta du jazz à la TSF et commanda du café et de la tarte aux pommes pour
deux. Comme ils se prélassaient dans leurs pyjamas en soie assortis, Judd
confessa à Ruth qu’il l’eût volontiers emmenée faire une balade dominicale en
voiture plus au sud, à Cortland, où il était né, mais il avait encore

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