Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Une irrépressible et coupable passion

Une irrépressible et coupable passion

Titel: Une irrépressible et coupable passion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
Vom Netzwerk:
mère.
    Judd vit Harold interpréter la situation d’un air sévère,
mais, magnanime, son beau-frère cita Jésus :
    « “Que celui d’entre vous qui n’a jamais péché lui
jette la première pierre.” »
     
    Le jeudi 28 octobre, Albert se rendit comme d’ordinaire
à sa soirée bowling et, à son retour, excita Ruth en l’informant qu’Harry
Folsom les avait invités à célébrer Halloween, chez lui, à New Canaan, le
lendemain soir. Toutefois, Albert avait décidé qu’ils n’iraient pas.
    « Pourquoi donc ? »
    Il la contourna pour entrer dans la cuisine.
    « Tu sais à quelle distance d’ici se trouve New
Canaan ? C’est dans le Connecticut. Presque cinquante kilomètres. Dans des
costumes humiliants. Pour voir des gens que je méprise.
    — Et moi, alors, je peux y aller ? »
    Albert lui décocha un regard glacial.
    « Avec qui ?
    — Kitty ? »
    Albert se servit un fond de Pilsner maison dans une chope
Zimmerman en porcelaine.
    « Kitty n’est pas invitée. La femme d’Harry ne lui fait
pas confiance, à juste titre.
    — Donc, on reste chez nous, c’est ça ? »
    Albert s’appuya contre le plan de travail et avala une
gorgée de bière.
    « Tu devrais essayer. Ça te plairait peut-être.
    — Ce que tu peux être horripilant !
    — Oui, eh bien… », commença-t-il.
    Mais il se prit d’un intérêt renouvelé pour sa chope et
s’abstint de préciser sa pensée.
     
    Judd continuait à retrouver régulièrement Ruth au Henry’s ou
dans leur chambre du Waldorf-Astoria, où elle ressassait les dernières infamies
en date de Son Excellence, tandis qu’il s’indignait des vilenies qu’elle était
contrainte d’endurer. Par ailleurs, Ruth se tracassait de plus en plus pour la
santé de sa cousine Ethel, qui ne parvenait toujours pas à trouver de motif
valable pour divorcer de son policier du Bronx.
    « Eddie a toujours eu un faible pour moi, exposa Ruth.
Tu sais, je l’ai souvent surpris à reluquer la marchandise. Du coup, j’ai dit à
Ethel que j’allais le coincer seul à seule. Histoire de le travailler au corps
en vue d’une photo compromettante. »
    Judd se renversa dans le canapé du Waldorf.
    « Mais c’est insensé, Ruth ! Ethel pourrait
peut-être accuser son mari d’adultère, mais Albert pourrait en faire autant à
ton égard et il aurait des preuves photographiques. Tu obtiendrais peut-être le
divorce, mais tu perdrais Lorraine. »
    Elle le dévisagea avec gravité.
    « Est-ce que tu me dis de ne pas le faire ? Parce
que si tu insistes, je renoncerai.
    — J’insiste.
    — Et tu en ferais autant, pas vrai ?
    — Quoi ?
    — Si j’insistais pour que tu fasses quelque chose ou pas.
    — Bien sûr », assura-t-il.
     
    À la mi-novembre, un samedi après-midi où Josephine avait
été embauchée pour le week-end afin de veiller sur une vieille dame et où
Lorraine était à un goûter d’anniversaire avec des camarades d’école, Ruth
aperçut Albert étendu sur le canapé de la salle de musique et lui annonça
qu’elle partait faire des courses. Il ne répondit pas et elle constata qu’il
cuvait, endormi. Elle remarqua aussi, au sol, la canalisation alimentant
quelques radiateurs à gaz. Elle fit le tour de toutes les pièces pour fermer
les fenêtres, puis se rua à l’atelier d’Albert, où elle choisit une clé à
molette. Elle enfila son manteau, son chapeau, puis s’accroupit pour tordre et
fausser discrètement le raccord de tuyauterie, jusqu’à ce qu’il se disjoignît
et qu’une odeur fétide d’œufs pourris se répandît sous le canapé. Ruth sortit
en se bouchant le nez, verrouilla la porte d’entrée et reposa la clé à molette
sur l’établi d’Albert au garage. Puis elle s’en fut faire ses courses.
    Elle revint au bout d’une heure. Elle se fichait qu’une
veilleuse pût enflammer le gaz – elle pouvait réparer cette ruine. Mais
elle songea qu’elle avait oublié Pip dans sa cage dorée au solarium et elle
craignit pour la vie du canari. Elle avait entendu dire que, dans les mines de
charbon, les oiseaux tombaient raides des heures avant que les êtres humains
décelassent le moindre problème.
    Elle héla un taxi et lorsque celui-ci s’engagea dans la 222 e  Rue,
assise à côté de ses deux sacs de provisions sur la banquette arrière, elle eut
le dépit de découvrir Albert qui chancelait sur le trottoir devant chez eux,
les mains sur les hanches, pantelant.
    « Et zut »,

Weitere Kostenlose Bücher