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Une irrépressible et coupable passion

Une irrépressible et coupable passion

Titel: Une irrépressible et coupable passion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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Lora ! Je suis contente
que tu aies passé un bon moment. Maman aussi. Mais je serai bientôt de
retour. »
     
    Ce mercredi soir là, Albert lisait le magazine Field & Stream dans son repaire, au grenier, quand Ruth rentra à l’issue de ses dix jours avec
Judd. Bien qu’ayant entendu son épouse gravir l’escalier, Albert se contenta de
fumer son cigare et de tourner une page pour continuer son article sur la pêche
en eau douce. Ses cheveux grisonnaient et à force de plisser ses yeux bleu
acier pendant des heures en mer, mais il était plus beau encore que la première
fois où il s’était arrêté devant la machine à écrire de Ruth chez Cosmopolitan et avait invité la jolie dactylo de dix-neuf ans à dîner. Elle avait
accepté et il était promptement reparti, tandis que Ruth souriait des gloussements
et de la jalousie des autres filles du pool. Toutes si ignorantes des Galaad de
son acabit.
    Albert parut enfin la remarquer.
    « Le Canada a-t-il été à la hauteur de tes
espérances ? » s’enquit-il.
    Elle perçut un sous-entendu dans la question, mais répondit
avec légèreté :
    « C’était charmant.
    — Il faudra que tu me racontes tout en détail, lança
Albert, sans interrompre sa lecture.
    — Tu te sens mieux, à présent ?
    — Ce n’était qu’un mauvais rhume.
    — Je m’en réjouis. »
    Ruth s’était préparée en vue d’une inquisition, mais
manifestement, celle-ci n’aurait pas lieu.
    « J’espère que tu as eu ma carte d’anniversaire.
    — Oui, confirma Albert, avant de retirer son cigare de
sa bouche et de fusiller son épouse du regard. Tu l’as envoyée en exprès –
tu crois que je roule sur l’or ?
    — J’avais honte d’avoir oublié. »
    Il tapota son cigare d’un air important au-dessus du
cendrier monté sur un pied chromé.
    « Oh, il y a de quoi avoir honte, mais pas pour ça.
    — Et comment je dois le prendre ? »
    Il eut un sourire calculé.
    « Oh, comme tu voudras. »
     
    Après avoir déposé Ruth ce soir-là, Judd prit la direction
d’East Orange, plus morose et désemparé de minute en minute. Et devant chez
lui, il eut la surprise de découvrir la Cadillac V-63 appartenant au mari
de sa sœur, Harold Logan. Craignant qu’Isabel ou Mrs Kallenbach fût morte,
Judd se rua à l’intérieur de la maison, mais il se révéla que tout allait bien.
Et il s’en voulut d’être déçu.
    Bien qu’Harold Logan fût le directeur général de
l’entreprise de joaillerie fondée par le père de Judd, il se considérait
toujours comme un manuel et Isabel l’avait appelé pour qu’il réparât une
fenêtre à guillotine qui grippait quand on essayait de l’ouvrir. Il achevait de
remonter le châssis et Judd observa un moment son beau-frère qui martelait le
chambranle, avant de ramasser une barre de fonte longue d’une cinquantaine de
centimètres et lourde de cinq livres, pourvue à l’une de ses extrémités d’un
œillet brisé.
    « Qu’est-ce que c’est que ça, Harold ? »
    Son beau-frère jeta un coup d’œil.
    « Le vieux contrepoids du châssis. Il y en a un caché
de chaque côté, suspendu à une poulie. Ça facilite l’ouverture, une fois le
mouvement amorcé. »
    Il asséna un dernier coup à un clou, laissant une marque
dans le bois avec la tête du marteau.
    « Et voilà. C’est moche, mais ça fonctionne. »
    Judd sortit son portefeuille.
    « Combien je te dois ?
    — Oh, juste le prix de la pièce. Quatre-vingts cents,
ça devrait aller.
    — Disons un dollar », arrondit Judd.
    Mais lorsqu’il tira un billet, un portrait de Ruth en mariée
voleta jusqu’au sol.
    Et ce fut Isabel qui mit la main dessus. Elle examina le
visage de l’inconnue.
    « Qui c’est ? »
    Judd feignit d’être étonné par la présence du cliché.
    « Oh, c’est Maisie, affirma-t-il. Une vendeuse de
Binghamton. Elle vient de se marier et elle m’a offert cette photographie en
souvenir. »
    Isabel accepta ce mensonge avec le même désintérêt atone
qu’elle adoptait pour tout ce qui avait trait au métier de son mari. Et
pourtant, comme elle s’en retournait au repas qui fumait dans la cuisine, Judd
se prit à s’interroger sur ce qui serait advenu s’il avait exposé la vérité à
Isabel. Eût-il éprouvé un soulagement libérateur ? Nonobstant, il était à
peu près certain du résultat : un divorce financièrement ruineux,
l’opprobre dans son travail, la consternation de sa fidèle petite

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