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Une irrépressible et coupable passion

Une irrépressible et coupable passion

Titel: Une irrépressible et coupable passion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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gamine :
    « Oh, je veux venir avec toi lors de ta prochaine
tournée ! S’il te plaît, je peux ? Je t’en supplie ! »
    Afin de pouvoir accompagner Judd lors de son circuit de dix
jours dans le nord de l’État, en octobre, elle persuada son époux qu’elle
allait au Canada avec des amis, Mr et Mrs Kehoe. Ce n’était qu’un nom
qu’elle avait relevé sur une boîte aux lettres, mais le mensonge importait peu,
car Albert se désintéressait tellement de ce qu’elle faisait qu’il ne prit même
pas la peine de la cuisiner ; en vérité, abstraction faite des soucis
pratiques liés à la scolarité de Lorraine, il parut soulagé du départ de Ruth.
    Elle était en retard, le lundi 11 octobre, quand,
coiffée d’un chapeau-cloche vert et drapée dans un moelleux manteau en rat
musqué qui avait été teint pour ressembler à du vison et lui descendait
jusqu’aux genoux, elle sortit de la station de métro de Newark et aperçut Judd,
fièrement appuyé contre son cabriolet tape-à-l’œil, dans un manteau en castor,
une casquette de base-ball des Yankees sur la tête.
    « Alors, l’étudiant, tu l’as choisie, ta
fraternité ? »
    Judd empoigna la valise Hartmann de Ruth et la déposa sur la
banquette arrière avec un sourire.
    « Il y en a une qui propose de l’alcool à
volonté ? » répliqua-t-il.
    Comme ils longeaient la vallée de l’Hudson en direction du
nord, Ruth informa Judd avec gravité que Son Excellence et elle se querellaient
sans relâche depuis leur retour de Setauket, mais elle changea ensuite d’humeur
et s’émerveilla des couleurs de l’automne comme si elle les voyait pour la
première fois et énuméra en pouffant les nuances « orange carotte »,
« jaune safran », « rouge putain » et « pisse de
cheval » du feuillage. Elle était gaie, fiévreuse, blagueuse, tendre et
s’était montrée sexuellement si insatiable que, lors de leur procès, le juge
menacerait d’interdire l’accès de la salle d’audience aux femmes lorsque Judd
relaterait leur escapade dans le nord de l’État.
    Ruth lui prodigua sans tarder une fellation pendant qu’il
conduisait, puis, après un déjeuner dans un village au-dessus de Newburgh, ils
s’aventurèrent ensemble au milieu de la mousse humide et des feuilles
craquantes des sous-bois. « Errer est humain, mais ce détour était
divin », plaisanta Judd. Et lorsqu’ils remontèrent en voiture, il fut
touché de voir Ruth se débarrasser de son chapeau et se pelotonner sur la
banquette avant en étreignant ses genoux ; elle dormit paisiblement, comme
Jane durant les longs trajets, et se réveilla, ainsi que Judd le rapporta plus
tard dans ses mémoires, « rose et revigorée, heureuse comme un
bébé ».
    À quatre heures trente, Judd signa le registre de l’hôtel
Stuyvesant, dans le quartier historique de Kingston, où il présenta Ruth comme
« Mrs Gray », puis, assis droit comme un juge de paix dans leur
chambre, prit au téléphone ses rendez-vous professionnels du lendemain matin.
Ils se promenèrent le long de Rondout Creek après le dîner, Judd dénicha un
débit de boissons clandestin qui vendait du champagne Taittinger et Ruth
l’épuisa en ébats jusqu’à deux heures du matin.
    Elle le réveilla au milieu de la nuit :
    « L’anniversaire d’Albert !
    — Hein ?
    — On est bien le 12 octobre, non ?
    — Je crois bien.
    — Il a quarante-quatre ans aujourd’hui. J’ai oublié de
lui laisser un cadeau. Ou une carte.
    — Ne te sens pas coupable, ma chérie.
    — Justement, je ressens tout le contraire. C’est pas
dingue ? »
    Au lieu de se rendormir comme il l’eût souhaité, Judd alluma
une cigarette et Ruth se plaqua contre lui dans la nuit de la chambre,
savourant la douceur de sa peau d’Anglo-Saxon, le va-et-vient de sa
respiration, son odeur masculine qui n’était pas celle d’Albert.
    « Nous nous sommes mariés chez mon père et ma mère,
devant un pasteur que je n’avais jamais rencontré, exposa Ruth. Je suis arrivée
de la cuisine dans la vieille robe de mariée hideuse de ma grand-mère, au son
de la Marche nuptiale de Wagner martelée au piano par la sœur d’Albert. Et je
pensais : “On n’est pas censé aimer son futur mari ?” Parce que je ne
l’aimais pas du tout. Enfin, Al était beau, élégant, intelligent, doué, je
débordais d’admiration pour lui, mais c’était tout. Même pendant que le pasteur
nous faisait répéter nos vœux de

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