Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Une irrépressible et coupable passion

Une irrépressible et coupable passion

Titel: Une irrépressible et coupable passion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
Vom Netzwerk:
sol aux endroits où il avait marché. Ruth
avait camouflé le contrepoids dans une boîte à outils, que Judd saupoudra de
cendres de la chaudière pour faire croire que tout était là depuis des
semaines. Mais dans la lumière ténue, il ne décela pas une goutte de sang sur
le contrepoids ; les policiers, si.
    De retour au rez-de-chaussée, Judd fit main basse sur une
pleine bouteille de Tom Dawson dans le buffet, s’en servit un grand verre et
s’effondra sur une chaise dans la cuisine, avant de glisser un billet d’un
dollar sous la bouteille pour rembourser ce qu’il avait bu. Ruth s’assit avec
lui, afin de récapituler l’histoire qu’elle allait raconter. Judd fuma la
moitié d’une Sweet Caporal, mais la nuit commençait à pâlir et Ruth craignit
que le laitier survînt, aussi emmena-t-elle Judd à l’étage, dans la chambre de
Josephine.
    « Il faut que tu me cognes, annonça-t-elle.
    — Je ne peux pas faire ça, Ruth !
    — Mais je dois pouvoir dire que les cambrioleurs m’ont
donné un coup terrible sur la caboche et m’ont assommée.
    — Même, je ne pourrais jamais te faire de mal. »
    Elle sourit, caressa son doux visage et roucoula :
    « Oh toi… Comme tu es gentil garçon… »
    Elle se tourna et Judd lui attacha les poignets dans le dos
avec de la corde à linge, puis lui saucissonna complètement les chevilles,
avant de la soulever dans ses bras comme une jeune mariée pour la déposer sur
le lit de Josephine, où il lui pelota un sein à travers sa chemise de nuit tout
en l’embrassa tendrement une dernière fois.
    « Tu ne me reverras pas d’un ou deux mois – peut-être
même plus jamais, déclara-t-il, avec le sentiment d’être dans un film d’amour.
    — Oh non, ne dis pas ça ! » répliqua Ruth sur
le même ton.
    Judd se releva, enfila son pardessus à chevrons et coiffa
son feutre, qu’il inclina sur la droite.
    « Rappelle-toi, si jamais la police me coince avant que
j’aie regagné Syracuse, je n’ai aucune excuse. »
    Ruth jura qu’elle mourrait plutôt que de prononcer un mot
contre lui. Il lui restait une capsule contenant encore assez de poison pour
tuer une dizaine de personnes et celle-là, elle se la gardait pour elle, au cas
où. Puis, comme il sortait, elle ajouta :
    « Ouvre la porte du bébé en partant. »
    Il oublia.
     
    « Tu es maintenant maudit du sol qui a ouvert la bouche
pour recueillir de ta main le sang de ton frère. Quand tu cultiveras le sol, il
ne te donnera plus sa force. Tu seras errant et vagabond sur la terre. »

 
Chapitre 7
UNE INFINIE DÉSOLATION
    Elle entendit le camion du laitier et se rendormit, mais un grincement
de porte la réveilla. Ruth se redressa sur le lit de Josephine et aperçut
Albert tassé contre le chambranle, la tête hideusement gonflée et violacée, la
chemise de nuit trempée de sang, le pistolet pendouillant au bout de ses doigts
sanglants.
    « Regarde ce que tu m’as fait, Rut’ »,
protesta-t-il, en recrachant du coton.
    Elle s’éveilla alors pour de bon. Pas d’Albert. Elle jeta un
coup d’œil à l’horloge Ingersoll et constata qu’il était presque sept heures et
demie. Ses mains, liées dans son dos, la picotaient. Elle posa par terre ses
jambes ficelées avec de la corde à linge, s’agenouilla à côté du lit, tel un
enfant effectuant sa prière du soir, puis, se dandinant d’un genou sur l’autre,
s’engagea pataudement dans le couloir en direction de la chambre de sa fille.
Elle tomba sur le flanc et sentit sa chemise de nuit en satin vert qui se
retroussait, mais ne put pas la rajuster. Elle reprit son souffle, puis tapa
doucement de la tête contre la porte en chêne à quelques reprises en
appelant :
    « Lora. Lora, c’est moi. »
     
    Tous ceux qui croisèrent Henry Judd Gray ce dimanche-là se
souvinrent apparemment de lui. À six heures moins cinq du matin, lorsqu’un
vieil homme du nom de Nathaniel Willis arriva à l’arrêt de bus de la grande
intersection de Springfield Boulevard et Hillside Avenue, à Queens Village, il
remarqua un homme portant un feutre gris et un pardessus à chevrons boutonné
jusqu’au menton, comme si la température était négative. Mal assuré sur ses
jambes, l’inconnu s’informa :
    « Vous savez quand le bus doit passer ?
    — Il a l’air en retard », répondit Willis, avant
de remarquer l’agent de police Charlie Smith, qui balayait sa guérite.
    Il était bien tôt pour faire le ménage, le taquina

Weitere Kostenlose Bücher