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Une irrépressible et coupable passion

Une irrépressible et coupable passion

Titel: Une irrépressible et coupable passion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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Elle y
croisa Milton et Serena Fidgeon, ainsi que les autres invités de la soirée
bridge, moroses, qui attendaient d’être interrogés. Ruth accepta leurs
condoléances à l’occasion de ce deuil terrible. Puis le commissaire
George V. McLaughlin invita courtoisement Mrs Snyder dans son bureau.
Agitée, mais guère affligée, elle allait y passer, à quelques interruptions
près, les huit heures suivantes.
    À Syracuse, il neigeait. Judd regagna sa chambre à l’hôtel
Onondaga et remarqua le mot de Haddon sur la glace de la salle de bains. Il le
déchira, ainsi que le talon de son billet Pullman, et les jeta dans la
corbeille à papier – geste qu’il regretterait –, puis téléphona à
Haddon.
    Ce fut Mrs Jones qui décrocha. Elle expliqua à Judd que
Haddon avait consacré sa journée à démonter le capot, les ailes et les
portières de leur Studebaker bicolore pour les repeindre, si bien qu’il était
« sur le flanc » et roupillait. Judd répondit qu’il l’enviait. Elle
formula l’espoir qu’il viendrait quand même.
    « Je ne vous ferais faux bond sous aucun
prétexte », assura-t-il.
    Il farfouilla dans sa valise d’échantillons Bien Jolie, trouva
une bouteille de scotch neuve qu’il avait oubliée et s’en servit deux verres à
dents pendant qu’il prenait un bain brûlant, puis un troisième alors qu’il
faisait les cent pas dans la chambre 743 et envisageait de louer une
voiture pour se tuer dans un tragique accident sur la route d’Auburn ou du lac
Skaneateles. À six heures moins le quart, lorsque le téléphone sonna, Judd
était habillé de frais, mais lessivé. Il n’avait pas dormi depuis trente-quatre
heures et considérait d’un œil fixe la flasque de whisky que Ruth avait
empoisonné avec du chlorure de mercure. En entendant la sonnerie, il pensa à
Isabel pour la première fois ce week-end-là, et ce fut avec hésitation qu’il
porta l’écouteur à son oreille.
    « Allô ? »
    Mais ce n’était pas son épouse.
    « Toujours partant pour venir dîner ? » lança
Haddon.
    Judd eut une absence, puis finit par lâcher :
    « Je ne me rappelle plus ton adresse.
    — 207, Park Avenue. »
    Le sous-entendu avait échappé à Haddon.
    « Tu voudrais bien venir me chercher ?
    — Ma Studebaker est toujours hors service, avança
Haddon, avant d’entendre Judd soupirer. Mais je vais demander à un ami de
m’amener. »
    Harry Platt, l’ami en question, était un gros type à demi
chauve, aux cheveux gris et aux lunettes rondes, qui était lui aussi courtier
en assurance. Il avait accompagné Haddon et ils étaient montés ensemble au
sixième étage, où Judd leur avait affablement proposé un whisky-soda dans sa
chambre. Harry témoignerait plus tard que leur hôte était « nerveux et
fébrile ». À l’issue des présentations, une fois que Haddon et Harry
eurent ôté leur pardessus et leur chapeau pour s’affaler sur le canapé avec
leur scotch à l’eau de Seltz, Judd tira la chaise du bureau, s’assit dessus à
califourchon et déclara :
    « J’ai des aveux à vous faire.
    — Oh, mince, lança Haddon, en se tournant vers Harry. Cherchez
la femme.
    —  Qu’est-ce que ça veut dire ? l’interrogea
Harry. C’est du français ?
    — La vérité, le coupa Judd, c’est que je suis dans le
pétrin. Un sale pétrin. Et j’ai besoin de votre aide. »
    L’inquiétude plissa les traits de Haddon.
    « Tu peux compter sur nous, Bud, affirma-t-il.
    — Had, je t’avais dit que j’avais rendez-vous à Albany
avec une femme.
    — Oh oui, confirma Haddon. Ce joli petit lot, Mounette.
    — Voilà. Mais là-bas, m’attendait un télégramme chiffré
m’instruisant de venir chez elle, dans le Queens.
    — Suis-je assez adulte pour entendre ça ? blagua
Harry.
    — Je vous en prie, ne plaisantez pas, protesta Judd.
C’est très grave. J’ai suivi les consignes – la porte de la cuisine était
ouverte – mais alors que je patientais dans la maison, il y a eu un
cambriolage. Des malfrats italiens, à ce qu’il m’a semblé. Je ne savais pas
quoi faire et je me suis planqué dans la penderie, pendant je ne sais combien
de temps. Des heures. Caché derrière les robes sur leur cintre, tandis que les
Italiens saccageaient la maison. Et puis la famille est revenue d’une soirée et
s’est retrouvée prise au milieu.
    — La famille ? s’étonna Haddon. Vous ne deviez pas
être seuls tous les deux ? »
    Judd marqua une pause

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