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Une tombe en Toscane

Une tombe en Toscane

Titel: Une tombe en Toscane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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hall sud et tournait à droite pour revenir par le hall est vers les bâtiments de la direction, quand Flandin, un ingénieur, descendit l'escalier de bois de son bureau.
     
    - Le bureau d'études n'a pas encore transmis les modifications des pinces de derricks, Monsieur, je les attends pour continuer la fabrication. Ils m'ont dit que votre père avait demandé les plans et ne les avait pas renvoyés.
     
    - On vous les portera dans dix minutes, dit Jean-Louis.
     
    - On peut attendre demain. Je comprends bien qu'aujourd'hui, c'est pour vous un jour bien douloureux...
     
    - Non pas seulement douloureux, mais terrifiant, Flandin, comme un jour de déluge... ou de création...
     
    Jean-Louis pensa tout de suite que son père aurait désapprouvé ce commentaire d'un drame privé dans l'usine. Sans rien ajouter, il fit quelques pas puis interpella un manœuvre et lui fit remarquer sèchement qu'un levier traînait en dehors des bandes blanches limitant le périmètre de travail d'une mortaiseuse.
     
    L'ouvrier qui conduisait la machine essuya, d'un revers de main sur les fesses, l'eau du savon qui ruisselait de ses doigts.
     
    - Le vieux l'a bien dressé, dit-il au manoeuvre. Ce qui encombrait les pas du père ne devra pas se trouver dans les pieds du fils... Les Malterre, c'est pas des marrants...
     
    Avant de pénétrer dans le bureau de son père, Jean-Louis s'assit dans le sien, qui lui était contigu. Seule une double porte matelassée de cuir noir les séparait. En fait, il se trouvait en permanence avec son père. La vue de cette porte presque toujours close ne changeait rien : l'interphone posé devant le sous-main lui apportait à chaque instant la voix de Louis Malterre.
     
    La petite lampe rouge s'allumait : « Jean, nous dînons avec les freins Streinfucler. Tu dirigeras la conversation, je n'ai pas d'inspiration en allemand », ou bien : « Jean, tâche d'avoir un meilleur délai pour la commande de l'IBM suisse », ou quelquefois : « Jean, je pars tout à l'heure pour l'Est. Il faudra que tu ailles à Paris pour les licences. »
     
    Peu à peu, Louis Malterre avait donné à son fils le sens de toutes les manœuvres que doit connaître un chef d'entreprise moderne. Il y a quelques mois, il lui avait dit un soir : « Maintenant, je peux devenir gâteux. Tu mèneras la boîte. Sur le plan technique, tu en sais plus que moi, qui ne fus qu'un mauvais élève à Centrale. Ton bicorne de polytechnicien est une garantie et je t'ai enlevé un peu de cette naïveté qui ruine les patrimoines. » Et il avait ajouté, avec le rire qui annonçait chez lui une phrase grave : « Si tu ne devais pas passer pour cela par une femme, je te souhaiterais un fils tel que j'en ai un. »
     
    Les bras allongés sur le sous-main de cuir, Jean-Louis fixait l'interphone – le « gueulophone », comme l'appelait son père. Il appuya sur le bouton blanc, la lampe verte s'alluma. Il savait que dans la pièce à côté, dont les volets avaient été fermés il y a trois jours par Maryse, la secrétaire de son père, une petite lampe rouge flamboyait vainement, en face d'un fauteuil vide.
     
    Alors, tout cet énorme chagrin qui lui brûlait la poitrine jaillit comme un vomissement d'enfant. « Papa... papa... » Et dans le bureau obscur, l'interphone nasilla ses sanglots.
     
    La sonnerie de la ligne directe le tira de l'inconscience de son chagrin. C'était sa mère.
     
    – J'ai compris que tu ne voulais pas voir tous ces gens. Tous sont partis, il est deux heures. Tu devrais rentrer te reposer.
     
    – Je serai à la maison dans un quart d'heure, répondit-il en assurant sa voix. Juste un ou deux détails à régler.
     
    Avec la sonnerie du téléphone, la réalité était revenue. Dans le petit lavabo que son père avait fait installer entre leurs deux bureaux, Jean-Louis se mit de l'eau fraîche sur le visage, serra sa cravate et alluma une cigarette. La première depuis la mort de son père. Il revint dans son bureau et sonna Marthe, sa secrétaire.
     
    Elle arriva, avec sa mèche blonde en travers de l'œil, prête à offrir de nouvelles condoléances, mais Jean l'arrêta d'un geste.
     
    - Vous porterez mes dossiers dans le bureau de mon père que vous aérerez. Vous ferez couper ma ligne directe et mon relais d'interphone et vous fermerez ici. Désormais je me tiendrai à côté. Puis vous irez vous mettre à la disposition du chef du personnel, Maryse prendra mon secrétariat. M. Blondin, à la fonderie,

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