Vengeance pour un mort
a passé un accord avec un jardinier. Il avait été absent toute la nuit…
— Il a une maison près de Vernet, rien de plus, répondit Arnau. Il y donne des soirées somptueuses où les mets et les vins sont les plus délicieux, mais les plaisirs très discutables. On y perd des fortunes au jeu ; des dames de bonne famille, lasses de leurs époux, viennent s’y amuser. J’ai également entendu d’étranges histoires de jeunes filles amenées dans cette propriété qui ne réapparaissent plus jamais, mais peut-être ne sont-ce là que des rumeurs.
— Je sais tout ça, fit Margarida avec impatience. Tout le monde connaît ces légendes. Mais il a tenté de me dire qu’il avait passé la nuit ailleurs, avec une maîtresse, à jouer aux cartes. Il avait trop bu, s’était endormi et avait cherché à rentrer au palais royal sans se faire remarquer des serviteurs de Son Altesse royale. Elle le désapprouve.
— Voilà qui lui ressemble, dit Arnau. Il se comporte ainsi depuis des années. Je ne sais comment il tient le coup.
— Vous parlez de sa santé ? demanda Isaac.
— Non, de sa fortune. Tout ce qu’il apprécie se paye au prix fort. Même si certains prétendent… mais je vous ai interrompue, dame Margarida.
— Ce qui m’a frappée, reprit-elle, c’est que, alors qu’il prétendait avoir passé la nuit dans la débauche, il sortait de toute évidence de son bain et portait des habits propres, et pas ceux avec lesquels il était parti.
— Vous l’avez vu sortir ?
— Oui, maître Isaac. Lui et moi avons quitté ensemble le palais. Je venais ici, il allait où bon lui semblait. Il ne s’est pas dirigé vers une porte de la ville. Et sa tenue était entièrement différente.
— Il est peut-être rentré chez lui, proposa Raquel. Il s’y sera baigné et changé.
— Il n’est certainement pas rentré au manoir familial rien que pour s’y baigner. Il n’aurait pu faire tout ce chemin en pleine nuit, dit Margarida, c’est trop loin.
— Il a des appartements dans cette maison proche de la ville, dit Arnau. Et, sans doute, des vêtements de rechange.
— Et une femme ? demanda Margarida.
— Peut-être. Je n’ai jamais été un habitué de cette demeure, et je ne m’y suis pas rendu depuis des années. Il est possible que ses habitudes aient changé.
— Pourquoi êtes-vous si sûre qu’il s’était baigné ? voulut savoir Raquel. Se présente-t-il habituellement sale et les habits en désordre ?
— Nullement. Il prend grand soin de lui. Mais il y avait ce parfum. Il sentait fort le bois de santal. De plus, ses cheveux étaient encore humides, récemment lavés.
— Du bois de santal, répéta Isaac. C’est l’odeur du bois de santal que j’ai sentie dans la maison d’Esclarmonda. Utilise-t-elle ce parfum ?
— Où est Jacinta ? Jacinta ! appela Raquel.
— Je suis là, maîtresse, dit l’enfant en sortant de la cuisine.
— Ta maman se sert-elle de bois de santal ?
— Non, je ne crois pas. Elle se parfume parfois avec de l’huile de jasmin, mais c’est tout. Maîtresse Raquel, est-ce que je peux lui dire au revoir ? Puisque nous ne partons qu’après que les cloches auront sonné midi.
— Oui, bien sûr, mais ne sois pas en retard.
— Cet homme important, comme vous l’appelez, sentait-il le bois de santal ? demanda Isaac.
— Quand je l’ai rencontré, oui, fit Martin.
— Et qu’en est-il des autres membres du syndicat ? s’inquiéta Arnau. Désiraient-ils eux aussi attenter à ma vie ?
— Je ne le crois pas. Ils ne paraissaient au courant de rien.
— Que va-t-on faire de lui ? demanda Arnau en désignant Martin.
— Nous allons l’emmener chez l’évêque, dit Isaac. Il voulait un rapport. Il l’obtiendra de la bouche même de celui-ci. Quelqu’un pourrait peut-être le raccompagner à sa chambre.
— Mais quelle est cette superbe apparition qui épie nos délibérations depuis la galerie ? demanda Arnau une fois Martin parti. Bonjour, maîtresse.
— Bonjour, señor, répondit Bonafilla. Vous êtes le bienvenu dans cette demeure, ajouta-t-elle avec timidité.
— Elle ignore que j’ai été tout le temps ici ? s’étonna Arnau.
— C’est notre jeune mariée, et elle a été si occupée à faire connaissance avec sa nouvelle famille et à se préparer pour la noce que nous lui avons simplement dit qu’il y avait un patient à l’étage, expliqua Jacob.
— Vous êtes le plus heureux
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