Vengeance pour un mort
avec, aux manches, des crevés d’or, et une bordure de vair. Ses cheveux sont d’un brun plutôt clair et ses yeux sont gris. Il a les lèvres charnues et un sourire jovial. Ses arcades sourcilières et ses pommettes sont bien marquées. Il semblait avoir au-dessus de l’oreille une cicatrice qui se perdait dans ses cheveux.
— Vous avez le don de la description, maîtresse Raquel !
— C’est parce que j’ai coutume de m’y adonner pour mon père, expliqua-t-elle. De plus, j’ai chevauché assez longuement non loin de lui, ce qui m’a donné l’occasion de l’observer.
— La cicatrice était-elle au-dessus de l’oreille droite ?
— Oui, répondit Raquel après une seconde de réflexion. Le connaissez-vous, señor ?
— Oh oui, je le connais, fit Marça. Je reconnais aussi mon habit de chasse préféré ; il s’appelle Felip Cassa et c’est mon intendant. Qui était le troisième ?
— Le troisième n’est autre que Martin ici présent, en qui j’ai reconnu l’homme qui a parlé au père Miró pour lui demander où il se rendait et quand il se mettrait en route, le jour même où il a été tué. Il a une voix caractéristique, expliqua Isaac, une voix que l’on entend peu à Perpignan.
— Martin a tué le père Miró ? s’écria Arnau. Ce misérable traître, cette vermine l’a assassiné ?
— Non, non, señor. Ce n’est pas moi. C’était Felip. Je n’ai pas le cran de tuer, je vous le jure.
— C’est vrai, confirma Isaac. D’abord, le père Miró ne lui a pas confié où il se rendait. Ensuite, il avait été engagé pour vous tuer, señor, mais au lieu de cela, il a demandé à deux brutes de faire le travail à sa place. Un étranger, ont-ils dit. Pour ces hommes, tous les étrangers se ressemblent. Qu’ils viennent de France, de Majorque, d’Aragon ou de Valence, comme vous.
— Mais qui a tué mon malheureux apprenti ? demanda Jacob.
— Ce n’est pas moi, dit Martin, je vous le jure. Tout ce que je sais, c’est que Felip voulait votre mort parce que vous l’aviez vu parler à quelqu’un et que vous auriez pu le reconnaître.
— Je ne l’ai jamais vu. Pas à ma connaissance.
— Moi, je l’ai vu, intervint David. Il n’a tout de même pas confondu le pauvre Abram avec moi ?
— C’est possible, dit Isaac. Ma fille vous décrit tous deux comme des hommes de haute stature. Que savait-il de cette maison ?
— Je crois que Bonafilla lui a dit où elle habitait, fit David. Il savait qu’elle allait se marier. Je ne pensais pas qu’il m’avait remarqué, mais c’est possible.
— Où est Felip ? demanda Arnau.
— Disparu. On ne trouve nulle part sa trace.
— Comment le savez-vous ?
— Je suis parti à leur recherche. Selon Martin, les deux autres avaient probablement pris la direction du nord pour se réfugier dans une maison qu’ils connaissaient. Sur la route, j’ai aperçu deux chevaux qui galopaient et un troisième qui les suivait. Je n’ai rien vu de son cavalier.
— Il a peut-être pris une barque pour s’enfuir par la rivière, dit Arnau. Il ne serait pas le premier à le faire.
— Peut-être, oui.
— Mais qui est le troisième homme ? demanda Arnau.
— Quelqu’un d’important, à mon avis, répondit Martin. Et de riche. Je ne l’ai jamais vu clairement et je ne devais pas parler de lui. Je n’ai donc demandé à personne qui il était. Je ne l’ai jamais aperçu en ville. Chaque fois que je croisais des personnages riches et importants, j’essayais de le reconnaître, mais en vain. Je ne suis pas ici depuis longtemps, ajouta-t-il à sa décharge, et je ne connais pas grand monde.
— Qui vous donnait vos instructions ? Il n’y a pas de vicomte, n’est-ce pas ?
— Non, señor, fit Martin avec un rire nerveux. Il n’y a aucun vicomte. Mes instructions me venaient de Felip.
— Felip Cassa ?
— Oui.
— Mon intendant ?
— Oui.
— Johana m’avait prévenu contre lui, mais il n’est pas assez intelligent pour avoir fomenté tout cela seul. Il se trouve quelqu’un d’autre derrière.
— Pardonnez-moi, Don Arnau, intervint Margarida, mais je crois pouvoir expliquer certains faits.
— Je vous écoute.
— Une chose étonnante m’est arrivée ce matin. Je ne pouvais dormir et je me trouvais à l’aube dans le verger de Sa Majesté. Bernard Bonshom est arrivé par une porte dérobée – il semble qu’il entre souvent ainsi dans le palais. Nul doute qu’il
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