Vers l'orient
rien de
la timidité effarouchée des jeunes filles, elle laissa tomber son propre pai-jamah. Elle fît demi-tour et se pencha très en avant, de sorte que je puisse
découvrir le bas de ses parties intimes non couvertes par le moutonneux duvet
roux.
— Le mien est certes enfoui deux ou trois doigts
plus loin, mais franchement, peux-tu faire la différence entre mon mihrab et
son... ?
— Bon, ça suffît comme cela ! parvins-je
enfin à articuler. Tu es en train de me pousser au péché avec ce garçon qui
n’est encore qu’un enfant !
Elle ne chercha pas à le nier, mais ce fut lui qui
s’en chargea. Aziz, en effet, se retourna vers moi et m’adressa pour la
première fois la parole. Sa voix avait la musicalité légère d’un chant
d’oiseau, mais elle était ferme.
— Non, Mirza Marco. Ma sœur ne cherche pas à vous
inciter au péché, pas plus que moi. Pensez-vous que j’en aie besoin,
vraiment ?
Ébranlé par la franchise de la question, je fus bien
forcé de répondre par la négative. Mais mes principes chrétiens resurgirent
aussitôt, et j’accusai d’un ton péremptoire :
— S’exhiber comme tu le fais est aussi
répréhensible que pousser au vice. Lorsque j’avais ton âge, mon petit, c’est
tout juste si je savais quel était l’usage normalàe mes parties intimes.
Dieu a toujours défendu de les exposer ainsi outrageusement, sans nulle pudeur
et de façon aussi libre. Le simple fait de se tenir ainsi nu et debout est déjà
un péché !
Aziz parut aussi blessé que si je l’avais souffleté et
fronça ses sourcils doux comme de la plume en signe d’intense perplexité.
— Je suis encore très jeune, Mirza Marco, et
peut-être ignorant, car personne jusqu’alors ne m’avait enseigné la notion de
péché. J’ai juste appris à être al-fa ’ il ou al-mafa ul, selon
le cas.
Je soupirai.
— C’est vrai, hélas, j’oubliais vos coutumes
locales.
Aussi délaissai-je un instant mes principes pour une
franche honnêteté et déclarai :
— Que ce soit en tant que donneur ou comme receveur, je crois que tu as de quoi faire oublier à n’importe quel
homme qu’il est dans le péché. Si pour toi ce n’en est pas un, daigne me
pardonner de t’avoir injustement fustigé.
Il me gratifia alors d’un sourire si radieux que son
petit corps nu, dans l’obscurité qui gagnait la pièce, sembla devenir
incandescent. Je fus plus explicite encore :
— Je suis désolé aussi d’avoir eu d’injustes
pensées à ton égard sans te connaître, Aziz. Sans nul doute possible, tu es
l’enfant le plus séduisant et le plus enchanteur qu’il m’ait jamais été donné
de voir, quel que soit son sexe, et, à la vérité, tu es plus attirant que bien
des femmes faites que j’ai déjà rencontrées. Tu es semblable à l’un des Rêves
garçons dont j’ai récemment entendu l’histoire. Tu constituerais une tentation
même aux yeux d’un chrétien, en l’absence de ta sœur ici présente. Mais, placé
à côté de ses avantages, tu comprends, tu ne peux occuper que la seconde
place.
— Je comprends, dit l’enfant, toujours souriant.
Et je suis d’accord.
Sitarè, telle une autre statue d’albâtre rougeoyant
dans le crépuscule, me considérait avec une certaine stupéfaction. Presque sans
voix, tant elle semblait saisie d’étonnement, elle articula faiblement :
— Tu veux toujours... de moi ?
— Mais oui. Plus que jamais. Tellement, même, que
je prie Dieu, maintenant, d’avoir les moyens de t’accorder la faveur que tu
voulais me demander.
— Oh, certainement.
Elle ramassa prestement ses vêtements éparpillés et
les tint roulés en boule devant elle, de façon que je ne sois pas perturbé par
sa nudité.
— La seule chose que nous te demandons, c’est
d’accepter de bien vouloir prendre Aziz dans votre caravane jusqu’à la ville de
Mechhed, pas plus loin.
Je battis des paupières.
— Mais... pourquoi donc ?
— Tu as dit toi-même que tu n’avais jamais vu un
si joli garçon et un enfant aussi irrésistible. Or Mechhed est le carrefour de
plusieurs routes de commerce, un lieu où les nombreuses rencontres peuvent être
fructueuses.
— Ce n’est pas que j’aie moi-même grande envie de
partir, ajouta Aziz. (Et comme sa nudité avait aussi de quoi troubler le
regard, je rassemblai moi-même ses effets et les lui tendis.) Je ne souhaite
pas quitter ma sœur, en réalité, elle est toute la famille qu’il me reste.
Weitere Kostenlose Bücher