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Victoria

Victoria

Titel: Victoria Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joanny Moulin
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véhémentes, qui recommencent de peser sur les nerfs de sa fille. Melbourne s’oppose à ce que Victoria paie sur ses fonds privés les dettes considérables de celle qu’il insiste pour appeler « non pas la reine mère, mais la mère de la reine ». Le Parlement augmentera l’annuité de Mme de Kent sur la liste civile.
    Par contre, Victoria prend à sa charge le remboursement des créances autrefois contractées par son père, le duc de Kent. Elle renonce de surcroît à tous les revenus héréditaires de la Couronne, à l’exception des duchés de Lancastre et de Cornouailles. En contrepartie, le Parlement lui vote un budget annuel de 385 000 livres, dont elle ne garde que 60 000 pour sa bourse privée, le reste étant reversé en salaires et dépenses pour la maintenance de la maison royale et de ses dépendances.
    Sa chère baronne Lehzen demeure auprès d’elle, mais sans fonction particulière. On a fait percer une porte de communication entre leurs appartements.
    Sa jeunesse et son célibat exigent qu’elle s’entoure de nombreuses dames de compagnie, de huit demoiselles d’honneur et d’autant de dames de chambre, en plus du pléthorique personnel habituel de la suite du souverain. Dans les jardins, on la voit jouer au volant avec des filles de son âge, ou se livrer à de bruyantes courses-poursuites dans les interminables dédales du palais. Elle rit à gorge déployée, dévore à belles dents, rougit et s’esclaffe avec un naturel qui désarme les courtisans les plus collet monté.
    « C’est l’été le plus agréable que j’aie passé de ma vie, et je n’oublierai jamais ce premier été de mon règne. »
    Chaque jour la reine travaille, lisant, étudiant, signant les documents que lui communiquent ses ministres. Dans son bureau l’attendent les boîtes rouges, dont elle porte toujours la clé sur elle. Ce sont des mallettes de maroquin écarlate, frappées du monogramme VR surmonté d’une couronne. Étonnement lourdes pour leur taille modeste, elles sont blindées et lestées de plomb pour échapper à toute capture : elles couleraient à pic aussitôt qu’elles seraient jetées par-dessus bord. Certains prétendent qu’on accable Victoria de besogne pour la dégoûter rapidement des affaires. Si d’aventure c’était vrai, ce serait peine perdue.
    « J’adore ce travail ! »
    À son bureau dès 8 heures du matin, Sa Majesté lit chaque document d’un bout à l’autre, tandis que ses ministres patientent, debout, dans un révérencieux silence. Puis elle se fait expliquer ce qu’elle n’est pas sûre de comprendre par Melbourne, ou bien par Palmerston.
    Henry John Temple, vicomte de Palmerston, est un animal politique peu regardant sur la couleur du parti qui lui permet de rester aux affaires. Député de Newport, sur l’île de Wight, dès l’âge de 23 ans, secrétaire d’État à la Guerre à 25, « Pam » a dirigé ce ministère pendant les années décisives des guerres napoléoniennes. Celui que les dames des beaux salons surnomment « Cupidon » est aujourd’hui un grand mondain de 55 ans, au regard profond et brillant de malice, à la démarche aussi légère et enlevée que sa conversation. Ses favoris et ses mèches rebelles, rabattues en avant sur un front dégarni, lui donnent un air romantique de sénateur romain ébouriffé.
    Victoria a eu plusieurs fois l’occasion d’apprécier sa compagnie quand la duchesse l’invitait à Kensington. Maintenant, il passe de longues heures avec elle à commenter les relations internationales, almanach de Gotha en main, ou penché sur quelque atlas. Il lui explique, par exemple, la situation compliquée de la Turquie, expose les ambitions de la Russie sur un Empire ottoman en grande difficulté. Il démontre pourquoi il conviendrait que la Grande-Bretagne apporte son soutien aux Turcs en Égypte, contre le soulèvement indépendantiste de Méhémet-Ali. Présentée avec toute la légèreté d’esprit, toute la finesse et l’humour dont Palmerston est capable, la politique étrangère passionne la reine.
    C’est aussi d’une complexité à lui donner le tournis. L’exercice réel du pouvoir, la conscience, même diffuse, que les textes qu’elle signe ont une valeur effective sont sources d’angoisse. À travers les dépêches des boîtes rouges se dessinent des problèmes concrets qui la dépassent, et qui l’inquiètent d’autant plus qu’ils touchent au pays et à l’empire. Au Canada,

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