Victoria
Scott. Cette romance mélancolique, dont l’héroïne se laisse aller au meurtre et sombre dans la folie, l’intrigue.
Il est vrai que la peinture, pour laquelle elle a elle-même quelques dispositions, lui parle davantage que la littérature. Elle a découvert les œuvres d’Edwin Landseer, dont les tableaux animaliers la frappent par la précision de leur finition. Elle les examine avec une loupe, trouvant proprement exquis le rendu des détails.
« Il est certainement l’artiste le plus intelligent qui soit. »
Au printemps, à l’exposition de la Société des Aquarelles, elle achète quelques toiles d’artistes anglais. Elle apprécie Samuel Prout pour ses scènes urbaines et ses vues d’architecture antique, une marine de Copley Fielding représentant une mer déchaînée, les paysages romantiques de Peter De Wint.
À la bijouterie Rundell, Bridge & Rundell de Ludgate Hill, des centaines de visiteurs patientent chaque jour pour admirer la nouvelle couronne. Deux arches croisées, sur fond de velours bleu, soutiennent un orbe surmonté d’une croix de Malte, dont le centre est le saphir d’Édouard le Confesseur. À l’avant se trouve le rubis que le Prince Noir, Henry V, portait à la bataille d’Azincourt. Le grand saphir de Charles II est à l’arrière. Des arceaux pendent des perles ovales qui furent, dit-on, les boucles d’oreilles d’Elizabeth I re . L’ensemble comporte seize rubis, onze émeraudes, deux cent soixante-dix-sept perles, deux mille sept cent quatre-vingt-trois diamants.
Vers la fin du mois de juin, Londres est une indescriptible cohue de voitures, de cavaliers et de piétons ; les parcs accueillent de vastes campements où des oriflammes flottent au sommet des tentes. Partout le bruit est assourdissant, les cris des vendeurs se mêlant aux coups de marteau. De part et d’autre du trajet de la procession, de Piccadilly à l’abbaye de Westminster, s’étendent deux rangées d’échafaudages. Les boutiques regorgent d’objets en tous genres à l’effigie de Victoria. Déjà les badauds peuvent acheter des gravures stéréotypées représentant la cérémonie qu’ils ne verront pas. La veille du grand jour, dans l’après-midi, Victoria s’est rendue à l’abbaye en calèche ouverte. « Les foules dans les rues étaient toutes tellement amicales ! »
28 juin 1838. Réveillée à 4 heures par des coups de canon, Victoria ne se rendort pas. Le charivari de la ville en fête, cris, chants, fanfares, a duré toute la nuit. Vers 7 heures, le jour se lève sur la multitude qui entoure Buckingham Palace, recouvrant Green Park jusqu’à l’avenue de Constitution Hill, qui borde les jardins du palais. La reine est revêtue de sa robe parlementaire de velours rouge et de brocart d’or, avec une doublure et une cape d’hermine. Puis c’est la longue procession vers l’abbaye, à travers le chahut assourdissant de la foule dense qui hurle, contenue par deux haies de soldats. La bousculade est telle que parfois Victoria s’inquiète à l’idée que des gens ne soient écrasés dans la cohue.
« Leur bonne humeur et leur excessive loyauté passaient toutes les bornes, et vraiment je ne trouve pas les mots pour dire toute la fierté que je ressens d’être la reine d’une telle nation. »
Quand la reine entre dans l’abbaye, les acclamations s’apaisent et font place à des applaudissements. L’agitation générale fait un bourdonnement instable, qui enfle et reflue par vagues successives au gré de la popularité des arrivants. Un nouveau fracas éclate pour accueillir le duc de Wellington. Un autre encore salue l’arrivée du maréchal Soult, qui représente le roi des Français Louis-Philippe. Les Anglais, magnanimes, ovationnent le valeureux ennemi d’hier, qui se distingua d’Austerlitz à Waterloo, adversaire malheureux de Wellington dans les guerres péninsulaires, jusqu’à la bataille de Toulouse. Le héros trapu, au visage dur et au regard perçant, qu’une blessure fait boiter, est visiblement ému :
« Ah ! Vraiment, c’est un brave peuple. »
La silhouette enfantine de Victoria s’avance, précédée de Lord Melbourne brandissant l’épée de cérémonie, suivi du Lord Chamberlain qui tient l’extrémité de sa traîne. Entourée de huit demoiselles d’honneur en robes blanches et argentées, coiffées de couronnes d’argent et parées de boutons de rose, elle paraît flotter sur un nuage.
Les enfants de
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