Vidocq - le Napoléon de la Police
Bientôt,
il les connaît tous de visages et s’aperçoit qu’ils trichent. Ils invitent
chaque nouvel arrivant et à force de gestes convenus, devinent son jeu et le
« plument ». N’ayant plus le sou, Vidocq, un après-midi se résigne à
recontacter son ami Labbre au Café turc. Il est absent ; il y retrouve, en
revanche, les mêmes joueurs professionnels toujours occupés à corriger le
hasard. Vidocq, leur adresse un mince sourire. Ils le regardent et pâlissent.
Une fois la partie finie et
« gagnée », l’un des filous, Rémiat, adresse un signe de tête à
Vidocq et s’assoit à sa table :
« Ma foi, monsieur, vous nous
avez porté bonheur. Mes amis et moi avons gagné dix parties. Nous avons décidé
de vous mettre dans notre jeu à un louis chacune. Cela fait dix Louis, votre
part que je vous offre de bon cœur. »
Craignant d’être dénoncé, la bande
préfère « acheter » le silence de cet énigmatique personnage. Vidocq
empoche volontiers ce « pourcentage » qui lui permet de subsister
confortablement. Après une semaine où il observe ses nouveaux complices
améliorer la chance, il connaît leurs tours de mains.
Il envisage même d’en faire sa
nouvelle activité lorsqu’il entend un cliquetis de sabre, Labbre est de retour.
Vidocq l’invite à déjeuner et reparle de la Roulante. Peut-elle accepter un
nouveau membre ?
« Quel grade te ferait
plaisir ? »
Comme Vidocq hésite, il lui propose,
sous-lieutenant de chasseur à cheval. « Le costume est magnifique. Tu
auras un succès fou. »
Avec ses gains au jeu, Vidocq paie
les faux papiers. Il choisit le nom de Rousseau, un lointain cousin dont il se
rappelle les dates et lieux de naissance ainsi que les noms de ses parents.
Deux semaines plus tard, il reçoit son passeport et ses papiers que lui remet
l’adjoint du commandant de la place, complice de Labbre.
Vidocq parade dans son nouvel
uniforme. Sur sa feuille de route est indiqué que ce « sous-lieutenant du
6 e chasseur voyage avec son cheval et a droit au logement et à la
distribution. » Son acolyte lui explique à quel point ces bons sont
rentables. Rien de plus facile que de toucher plusieurs fois rations et soldes
au fur et à mesure des déplacements. Il suffit de changer de ville et le tour
est joué.
Vidocq ne tarde pas à se faire
monter en grade, la solde y est plus lucrative. Les commissaires des guerres
gérant une administration militaire débordée n’y voient que du feu et lui
accordent, solde, bon de fourrage et billet de logement. Adieu les hôtels
miteux, Vidocq habite maintenant chez une baronne. D’abord intimidé, le nouveau
sous-lieutenant ne tarde pas à faire la conquête de cette veuve, charmée et
rassurée d’avoir chez elle « un officier si comme il faut ». Elle
l’invite à dîner, le présente à tous ses amis. Vidocq devient bientôt la
coqueluche de son petit groupe d’habitués. Étouffant dans cette ambiance un peu
trop feutrée, le jeune officier prétexte, pour échapper aux interminables
repas, une sortie obligatoire avec son général.
« Pourquoi ne nous le
présentez-vous pas. Nous serions tous heureux de faire sa connaissance. »
Vidocq en parle à Labbre.
« Excellente idée. L’armée
commence à être pointilleuse. Trop de fausses recrues. Dans peu de temps, notre
combine sera cuite et nous avec. Ta baronne est riche. Fais comme elle dit,
invite-nous. Dis-lui que je viendrai juste avec mon aide de camp. »
Son hôtesse a sorti l’argenterie, le
cristal et sa plus belle vaisselle. Le repas est somptueux, l’aide de camp, le
commandant Auffray, joue du clavecin et chante une romance pendant que le
« général » discute en aparté avec la jolie veuve. Le lendemain, il
aborde Vidocq et l’entraîne à l’écart.
« Ta fortune est faite, la
baronne t’aime et veut t’épouser.
— Je suis déjà marié et moi je
ne l’aime pas.
— On ne te demande pas ton
avis. Tu n’as qu’à déposer une demande de divorce, tu sais bien qu’on finira
par te l’accorder. J’ai déjà tout arrangé, elle croit que tu es un aristocrate
qui fuit le régime de la République, d’où ton faux nom. Je l’ai tout à fait
rassuré sur l’authenticité de tes titres de noblesse. Tu connais bien une
famille noble et décimée près d’Arras. Je te ferai faire des papiers tout ce
qu’il y a de plus vrais.
— Il n’en est pas question. Je
veux bien divorcer mais pas me
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