Vidocq - le Napoléon de la Police
lèvent et approchent pour mieux voir.
Certains avancent avec leurs
compagnes, attirées par le vainqueur du moment. Vidocq sent la tension dans la
salle, il sort le reste de l’or de la baronne et met tout sur le tapis. De
l’or, pas du numéraire ! Chacun retient son souffle. Ce soir, Paris lui
appartient. Il est le point de mire de toute l’assemblée, il ne peut plus
reculer. Poussant les jetons empilés devant lui, il triple la mise. Sa fortune,
son avenir, tout est sur la table. Rosine, restée derrière lui, exulte,
applaudit et se penche largement vers son visage, lui envoyant dans les narines
une bouffée du chaud parfum de blonde qui s’échappe du sillon de ses seins.
« La partie continue. Rien ne
va plus, les jeux sont faits. »
Le croupier force la voix pour
annoncer l’importance de l’enjeu :
« Trente mille livres. Un banco
de trente mille livres ! »
Pour la plupart des assistants,
c’est plus qu’ils ne gagneront dans toute leur vie. Leur économie et celle de
leur famille. Une fortune. La fortune !
« Suivi », murmure un
muscadin au visage inexpressif, le regard énigmatique derrière ses lunettes
vertes.
« Vous êtes
merveilleux ! », lui souffle alors Rosine en lui caressant avec sensualité
le visage, de son éventail. Vidocq ne voit plus rien, il l’écarte doucement.
Trop tard. Le muscadin a échangé un regard avec le croupier et a pris une
nouvelle carte qu’il abat : Rouge, 10.
La table est silencieuse, le
bourdonnement d’excitation a subitement disparu. Vidocq retourne la
sienne : Noir, 5. Perdu.
D’un geste du râteau, le croupier
pousse tout vers le muscadin. Vidocq, dans un effort héroïque parvient à
esquisser un sourire, tout en inclinant sa tête vers son vainqueur. Puis, il
fouille dans son gousset et en sort sa dernière pièce d’or qu’il jette au
croupier : « Pour le personnel. »
Complètement ratissé, il a tout
perdu. Personne n’en devine rien. Rosine partage avec lui le champagne offert à
la ronde. Elle lui présente ses épaules et son corsage, comme une belle fleur à
cueillir : « Vous gagnerez demain », susurre-t-elle câline.
« Je gagne ce soir même », réplique Vidocq en lui empoignant la
taille, bien décidé à succomber à la tentation. La conquête de Paris sera pour
plus tard…
II Les chauffeurs
« Et puis quoi encore ?
Ici, on paie sa place ou on va à pied ! »
Furieux, le cocher agite son fouet
pour faire reculer le voyageur désargenté qui essayait de discuter les tarifs.
Vidocq qui voulait tenter la même
démarche, rebrousse prestement chemin. Vouloir rentrer à Arras et pouvoir le
faire sont deux choses différentes.
Sitôt sorti des bras de Rosine qu’il
a quittée encore endormie, Vidocq cherche le moyen de se sortir de ce pétrin.
Il n’y en a qu’un seul, gagner de l’argent. Les salles d’armes sont fermées,
pas de travail pour un petit provincial de vingt ans.
Vidocq retourne sous les arcades du
Palais-Royal. Assis à une table de l’unique café ouvert à cette heure matinale,
il suit d’un regard vague, des joueurs qui disputent une partie d’échecs.
Un léger bruit lui fait tourner la
tête, croyant que c’est le garçon, il s’apprête à commander son petit déjeuner.
Erreur. Alors qu’il y a des dizaines de tables de vides, un bourgeois, bien
habillé et rasé de près, s’est assis à côté de lui.
« Vous craignez la
solitude », persifle Vidocq qui se demande où il l’a déjà vu. Christian,
surnommé le « Rentier » en raison de ses habitudes régulières :
« J’étais au cercle hier soir
et je vous ai vu perdre. Tout perdre et sans broncher. C’est rare. Vous m’avez
intéressé.
— C’est le destin. Bon ou
mauvais, il faut savoir l’affronter d’égale humeur. Qui peut prévoir…
— Le destin n’a rien eu à y
voir. Un provincial, même un aussi bon joueur que vous, n’avait aucune chance.
C’est courant ici. Votre guide était un complice. Mais si on se fait dépouiller
au jeu, on peut parfois trouver des satisfactions sur un autre plan. »
Vidocq qui comprend l’allusion à
Rosine, hausse les épaules. C’est déjà du passé. Son interlocuteur, séduit par
le flegme de son voisin, lui confie :
« Le Palais-Royal est un lieu
magique où l’on abandonne sa fortune mais où on peut trouver des trésors.
Savez-vous qu’à ce même café où nous bavardons, les bijoux de la couronne ont
été proposés pour quelques
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