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Vidocq - le Napoléon de la Police

Vidocq - le Napoléon de la Police

Titel: Vidocq - le Napoléon de la Police Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie-Hélène Parinaud
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aussi discret que son compagnon, il dérobe un des sachets et
l’ouvre. Une vague odeur d’herbes broyées s’en échappe. Vidocq y reconnaît
l’arôme des « médecines » dont le père Godard, le vendeur ambulant
d’élixir, se servait pour faire monter la fièvre. Il le garde au fond de sa
poche, ayant compris la manœuvre. Le « vétérinaire », grâce aux
enfants qui se glissent partout sans se faire remarquer, rend malades des
animaux en mêlant à leur boisson un poison qu’il guérit d’autant mieux qu’il
sait précisément quelle herbe combattre. Il suffit de vider un sachet dans
l’abreuvoir et de passer ensuite proposer ses services.
    Le soir venu alors que les deux
hommes dînent, Vidocq voulant lui faire comprendre qu’il n’est pas dupe, lui
demande qui lui a enseigné cette astuce. Son compagnon ne se dérobe pas :
    « Ma mère. Elle voulait que je
survive. Elle m’a appris le métier lorsque je n’étais qu’un enfant. C’est moi
qui cueillais et pilais les herbes, avant de les mettre dans les abreuvoirs.
Elle passait pour une grande guérisseuse.
    — Elle doit être contente de
voir que vous continuez le métier, sourit Vidocq.
    — On l’a pendue l’année
dernière. Elle était de Moldavie et faisait partie d’une bande de Bohémiens qui
parcouraient les frontières des Carpates. Nous sommes un peu plus de cent mille
là-bas, à qui on ne laisse d’autre droit que celui de respirer. Le seul métier
qu’on a le droit d’exercer est celui de bourreau, cela forme le caractère. Nos
noms changent avec les pays que l’on traverse : Zigeuner en Allemagne,
gypsies en Angleterre, zingari en Italie, gitanos en Espagne, romanichels
là-bas, bohémiens ici. Partout, notre sort est le même. On ne nous laisse que
les plus bas travaux, ceux dont personne ne veut : tondeur de chien,
jeteur ou leveur de sorts, diseur de bonne aventure, ramasseur de peaux de
lapin, changeur de monnaie… Son destin, ma mère le prévoyait, elle l’avait lu
voici longtemps dans les lignes de sa main. Moi aussi, je connais le
mien », conclut son compagnon en se levant de table pour faire sa
promenade habituelle.
    Chaque soir, un jeune officier fait
étape à la même auberge qu’eux, le capitaine Salembier. Parfois, il est en
uniforme, d’autre fois dans un élégant costume de gandin, au gilet brodé
d’arabesques d’or. Les deux hommes, à des tables différentes, font toujours
semblant de s’ignorer. Mais, après le repas, comme par hasard, ils sortent
prendre l’air. Ils rentrent ensuite, chacun de leur côté, sans échanger le
moindre mot. Tout le long du voyage, le rituel se répète.
     
    Vidocq fait mine de ne rien avoir
remarqué. D’ailleurs le système du faux vétérinaire pour gruger les paysans
l’intrigue moins que les récits qu’il entend, tout le long du chemin. Dans tous
les villages, les conversations ne s’occupent que des crimes des
« chauffeurs ». Tous évoquent ces brigands, avec leurs visages cachés
sous des foulards ou noircis à la suie. Ils pillent les fermes isolées et font
griller les pieds des fermiers pour leur faire avouer où sont cachées leurs
économies. Et fatalement, avec la crise du numéraire et la déperdition de l’assignat,
tous ont un magot qu’ils finissent par livrer. Les bandits ne laissent derrière
eux aucun survivant capable de les reconnaître et de les dénoncer.
    Le maquignon chez qui Vidocq et son
compagnon bivouaquent, après avoir encore une fois guéri « magiquement »
le bétail : le père Duconnier raconte leur dernière ruse pour s’introduire
en force dans la ferme Dardel :
    « Ils ont obtenu une pièce
administrative dont ils ont habilement gratté le texte mais gardé le cachet
officiel et la signature du maire. Une fois ce dernier en voyage, ils sont
venus trouver son adjoint qui n’y a vu que du feu, ayant reconnu la signature.
Ils avaient écrit à la place : “des chauffeurs vont essayer de forcer la
porte de la ferme Dardel. Nous envoyons une escouade de la milice pour la
protéger. Vous leur prêterez des uniformes et les guiderez au domicile du
fermier pour qu’ils puissent arrêter ces brigands.” L’adjoint s’empresse
d’obéir et les présente au paysan. Ils sont accueillis et fêtés comme des
sauveurs. Leur chef, censé être le sergent, pose toutes les questions
nécessaires : “Combien avez-vous de monde capable de se battre et comment
sont-ils armés ? Confiez-nous tous vos

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