Vie de Benjamin Franklin, écrite par lui-même - Tome II
de l'Angleterre, peuvent naviguer sur l'Ohio, et il ne faut que quatre ou cinq hommes pour les conduire. Depuis le mois de janvier jusqu'au mois d'avril, il est aisé de bâtir de grands vaisseaux sur cette rivière, et de les envoyer en Angleterre, chargés de fer, de chanvre, de lin et de soie.
4o. La farine, le bled, le bœuf salé, les planches pour le bordage des vaisseaux et beaucoup d'autres marchandises, peuvent être envoyées sur l'Ohio jusqu'à la Floride occidentale, et de là aux Antilles, à meilleur marché et mieux conservées que celles qu'on expédie de New-York et de Philadelphie.
5o. Le chanvre, le tabac, le fer, et les autres articles qui tiennent beaucoup de place, peuvent également être envoyés sur l'Ohio jusqu'à la mer, à plus de cinquante pour cent meilleur marché que ne coûte leur transport par terre, dans l'espace de soixante milles, en Pensylvanie, où les charrois sont pourtant moins chers que dans aucune autre province de l'Amérique septentrionale.
6o. Les frais de transport des marchandises anglaises, depuis la mer jusqu'aux établissemens que nous voulons former sur l'Ohio, ne seront pas aussi considérables que ce qu'on paie et qu'on paiera toujours pour conduire les mêmes marchandises, dans une grande partie de la Pensylvanie, de la Virginie et du Maryland.
D'après l'exposition de ces faits, nous espérons qu'on verra clairement que les terres, dont nous demandons la concession, sont entièrement propres, par leur fertilité, leur situation et le peu de frais que coûtera le transport de leurs productions jusqu'en Angleterre,—«à faire sentir l'utilité d'établir des colonies dans le continent de l'Amérique septentrionale».
—Mais pour éclaircir davantage ce point important, nous prendrons la liberté de faire encore quelques observations.
Les lords commissaires du commerce et des colonies, ne nient point, mais, au contraire, ils avouent que le climat et le sol de l'Ohio, sont aussi favorables que nous l'avons dit.—Quant aux vers-à-soie qui y viennent naturellement, il est certain qu'au mois d'août 1771, plus de 10,000 livres pesant de cocons, qui en provenoient, furent vendues à la filature publique de Philadelphie. Il est également sûr que la soie que produisent les vers de l'Ohio, est belle et très-estimée des Pensylvaniens.
Pour le chanvre, nous sommes prêts à prouver qu'il est d'une très-bonne qualité, et qu'il croît spontanément sur les bords de l'Ohio, ainsi que nous l'avons avancé. Qu'on considère donc que, par rapport au chanvre, l'Angleterre dépend chaque jour davantage de la Russie, et qu'on n'en a pas encore exporté des colonies américaines, situées sur le bord de la mer, parce que leur sol n'en produit pas aisément. Et, certes, alors on verra que cette dépendance peut avoir des conséquences graves pour la nation, et mérite toute l'attention du gouvernement.—La nature nous indique où nous pouvons recueillir promptement et facilement une grande quantité de chanvre ; et par ce moyen, non-seulement nous empêcherons, chaque année, des sommes considérables de sortir du royaume, mais nous emploierons nos propres sujets avec beaucoup d'avantage, et nous les paierons avec des marchandises de nos manufactures.—Voici, en abrégé, l'état du commerce de Russie.
Depuis l'année 1722 jusqu'en 1731, l'Angleterre envoya annuellement 250 vaisseaux chercher du chanvre à Petersbourg, à Narva, à Riga et à Archangel.
250 vais.
Et depuis 1762 jusqu'en 1771, 500 vaisseaux.
500
Accroissement.
250 vais.
Il est donc évident que dans les dix dernières années, le commerce russe a doublé. La sagesse, la politique de la nation européenne, qui entend le mieux le commerce et la navigation, lui permettent-elles d'avoir sans cesse besoin des étrangers pour se procurer une marchandise dont dépend l'existence de sa navigation et de son commerce ? Non, assurément ; et sur-tout quand Dieu nous a accordé la propriété d'un pays produisant naturellement cette même marchandise qui nous fait débourser notre argent, en nous mettant à la merci de la Russie.
Nous n'avons encore parlé que des petits frais de transport entre le Potomack et l'Ohio. Maintenant nous allons essayer de montrer combien les lords commissaires du commerce et des colonies se sont trompés, en disant, dans le cinquième paragraphe de leur rapport : «Que l'Angleterre ne pouvoit avoir aucune relation avantageuse avec les terres en question».—Pour qu'on se forme
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