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Vie de Franklin, écrite par lui-même - Tome I

Vie de Franklin, écrite par lui-même - Tome I

Titel: Vie de Franklin, écrite par lui-même - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benjamin Franklin
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intimement liés depuis notre enfance. Nous avions lu ensemble les mêmes livres : mais il pouvoit donner plus de temps que moi à la lecture et à l'étude, et il avoit une aptitude étonnante aux mathématiques, dans lesquelles il me laissa bien loin derrière lui.
Quand j'étois à Boston, j'avois coutume de passer avec lui presque tous mes momens de loisir. C'étoit alors un garçon très-rangé et très-industrieux. Ses connoissances lui avoient acquis l'estime générale, et il sembloit promettre de figurer un jour avec avantage dans le monde. Mais pendant mon absence, il s'étoit malheureusement adonné à l'usage de l'eau-de-vie ; et j'appris, par lui-même, et par d'autres personnes, que depuis son arrivée à New-York, il avoit été tous les jours ivre, et s'étoit conduit d'une manière extravagante. Il avoit aussi joué et perdu tout son argent. Ainsi je fus obligé de payer sa dépense à l'auberge, et de le défrayer durant le reste du voyage ; ce qui devint une charge très-incommode pour moi.
Burnet, gouverneur de New-York, ayant entendu dire au capitaine de notre navire, qu'un jeune passager, qui étoit à son bord, avoit beaucoup de livres, le pria de me mener chez lui.
    J'y allai ; mais je n'y conduisis pas Collins, parce qu'il étoit ivre. Le gouverneur me traita avec beaucoup de civilité ; me montra sa bibliothèque, qui étoit très-considérable, et s'entretint quelque temps avec moi, sur les livres et sur les auteurs. C'étoit le second gouverneur qui m'eût honoré de son attention ; et pour un pauvre garçon, comme je l'étois alors, ces petites aventures ne laissoient pas que d'être assez agréables.
Nous arrivâmes à Philadelphie. J'avois recouvré en route l'argent de Vernon, sans quoi nous aurions été hors d'état d'achever notre voyage.
Collins désiroit d'être placé dans le comptoir de quelque négociant. Mais son haleine ou sa mine trahissoient, sans doute, sa mauvaise habitude ; car bien qu'il eût des lettres de recommandation, il ne put pas trouver de l'emploi, et il continua à loger et à manger avec moi, et à mes dépens. Sachant que j'avois l'argent de Vernon, il m'engageoit sans cesse à lui en prêter, me promettant de me le rendre aussitôt qu'il auroit de l'emploi. Enfin, il me tira une si grande partie de cet argent, que je fus vivement inquiet sur ce que je deviendrois s'il manquoit de le remplacer. Son goût pour les liqueurs fortes, ne diminuoit pas, et devint une source de querelles entre nous ; parce que quand il avoit trop bu, il étoit extrêmement contrariant.
Nous trouvant un jour dans un canot sur la Delaware, avec quelques autres jeunes gens, il refusa de prendre l'aviron à son tour.—«Vous ramerez pour moi, nous dit-il, jusqu'à ce que nous soyons à terre».—«Non, lui répondis-je, nous ne ramerons point pour vous».—«Vous le ferez, répliqua-t-il, ou vous resterez toute la nuit sur l'eau».
    —«Comme il vous plaira, dis-je».—«Ramons, s'écrièrent les autres. Qu'importe qu'il nous aide ou non» ?—Mais j'étois déjà irrité de sa conduite à d'autres égards ; et j'insistai pour qu'on ne ramât point.
Alors il jura qu'il me feroit ramer, ou qu'il me jeteroit hors du canot ; et il se leva, en effet, pour venir vers moi. Aussitôt qu'il fut à ma portée, je le pris au collet, et le poussant violemment, je le jetai la tête la première dans la rivière. Je savois qu'il nageoit très-bien, et par conséquent je ne craignois point pour sa vie. Avant qu'il pût se retourner, nous eûmes le temps de donner quelques coups d'aviron, et de nous éloigner un peu de lui. Toutes les fois qu'il se rapprochoit du canot et le touchoit, nous lui demandions s'il vouloit ramer, et nous lui donnions, en même-temps, quelques coups d'aviron sur les mains, afin de lui faire lâcher prise. Prêt à suffoquer de colère, il refusoit obstinément de promettre qu'il rameroit. Cependant, nous étant apperçus qu'il commençoit à perdre ses forces, nous le mîmes dans le canot, et le soir nous le conduisîmes encore tout trempé jusqu'à la maison.
Après cette aventure, nous vécûmes, lui et moi, dans la plus grande froideur. Enfin, un capitaine qui naviguoit aux Antilles, et s'étoit chargé de procurer un instituteur aux enfans d'un planteur de la Barbade, fit la connoissance de Collins, et lui proposa cette place. Collins l'accepta, et prit congé de moi, en me promettant de me faire payer ce qu'il me devoit, avec le premier argent qu'il

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