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Vie de Franklin, écrite par lui-même - Tome I

Vie de Franklin, écrite par lui-même - Tome I

Titel: Vie de Franklin, écrite par lui-même - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benjamin Franklin
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en voir payer une cinq fois aussi cher qu'elle lui eût coûté, s'il l'avoit achetée quand il commença ses lamentations.
    J'aurois dû rapporter que, pendant l'automne de l'année précédente, j'avois réuni la plupart des hommes instruits, que je connoissois, pour former un club, auquel nous donnâmes le nom de Junto, et dont l'objet étoit de perfectionner notre esprit. Nous nous assemblions les vendredis au soir. Les règlemens que je traçai, obligeoient chaque membre de proposer, à son tour, une ou plusieurs questions de morale, de politique ou de philosophie, pour être discutées par la société ; et de lire, en outre, une fois tous les trois mois, un essai de sa composition sur un sujet à son choix.
Nos débats devoient avoir lieu sous la direction d'un président, et être dictés par l'amour de la vérité, sans que le plaisir de disputer, et la vanité de triompher, pussent y entrer pour rien. Afin de prévenir toute chaleur déplacée, nous établîmes que, toutes les fois qu'on se permettroit des expressions qui annonceroient trop d'entêtement pour une opinion, ou qu'on se livreroit à des contradictions directes, on payeroit une légère amende.
Les premiers membres de notre club furent :—Joseph Breintnal, notaire. C'étoit un homme dans la maturité de l'âge, doué d'un naturel heureux, très-attaché à ses amis, chérissant la poésie, lisant tout ce qui tomboit sous sa main, écrivant passablement, ingénieux dans beaucoup de petites choses, et d'une conversation agréable.
Thomas Godfrey, habile mathématicien, qui s'étoit formé sans maître, et qui fut ensuite l'inventeur de ce qu'on appelle le Quart de Cercle d'Hadley. Presque tout ce qu'il savoit se bornoit à la connoissance des mathématiques.
    Il étoit insupportable en société, parce qu'il exigeoit, ainsi que la plupart des géomètres que j'ai rencontrés, une précision inusitée dans tout ce qu'on disoit, et qu'il contrarioit sans cesse ou fesoit des distinctions futiles ; vrai moyen de faire manquer le but de toutes les conversations. Il nous quitta bientôt.
Nicolas Scull, arpenteur, qui devint par la suite arpenteur-général de la province. Il aimoit beaucoup les livres et fesoit des vers.
William Parsons, à qui on avoit fait apprendre le métier de cordonnier, mais qui, ayant du goût pour la lecture, acquit de profondes connoissances dans les mathématiques. Il les étudia d'abord dans l'intention d'apprendre l'astrologie, dont il étoit ensuite le premier à rire. Il devint aussi arpenteur-général.
William Mawgridge, menuisier, très-excellent mécanicien, et à tous égards, homme d'un esprit très-solide.
Hugh Meredith, Stephen Potts et George Webb, dont j'ai déjà parlé.
Robert Grace, jeune homme riche, généreux, vif et plein d'esprit. Il aimoit beaucoup l'épigramme, mais encore plus ses amis.
Enfin, William Coleman, commis chez un négociant, et à-peu-près du même âge que moi. Il avoit la tête la plus froide, l'esprit le plus clair, le meilleur cœur, et la morale la plus pure que j'aie presque jamais rencontrés dans aucun homme. Il devint par la suite négociant très-considéré, et l'un de nos juges provinciaux. Notre amitié dura, sans interruption, pendant plus de quarante ans, et ne finit qu'avec la vie de cet homme estimable. Le club continua d'exister presqu'aussi long-temps.
C'étoit la meilleure école de politique et de philosophie, qu'il y eût alors dans toute la province ; car, comme nos questions étoient lues dans la semaine qui précédoit celle de leur discussion, nous avions soin de parcourir attentivement les livres qui y avoient quelque rapport, afin de nous mettre en état de parler plus pertinemment.
     Nous acquîmes aussi l'habitude d'une conversation plus agréable, chaque objet étant discuté conformément à nos règlemens, et de manière à prévenir tout ennui. C'est à cela qu'on doit attribuer la longue existence de notre club, dont j'aurai désormais de fréquentes occasions de parler.
J'en ai fait mention ici, parce que c'étoit un des moyens sur lesquels je pouvois compter pour le succès de mon commerce ; chacun des membres fesant ses efforts pour nous procurer de l'ouvrage. Breintnal entr'autres, engagea les quakers à nous donner l'impression de quarante feuilles de leur histoire, dont le reste devoit être fait par Keimer. Nous n'exécutâmes pas cet ouvrage d'une manière supérieure, attendu qu'il étoit à très-bas prix. C'étoit un in-folio, sur du

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