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Vie de Franklin, écrite par lui-même - Tome I

Vie de Franklin, écrite par lui-même - Tome I

Titel: Vie de Franklin, écrite par lui-même - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benjamin Franklin
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vous céderai toute l'entreprise, et je chercherai, de mon côté, à faire comme je pourrai».—«Non, répondit-il, mon père a réellement été trompé dans ses espérances. Il est hors d'état de payer, et je ne veux pas le mettre davantage dans l'embarras. Je sens que je ne suis nullement propre au métier d'imprimeur. J'ai été élevé au travail des champs ; et ce fut une folie à moi de venir à la ville, et de me mettre, à l'âge de trente ans, en apprentissage d'un nouveau métier. Plusieurs de mes compatriotes vont s'établir dans la Caroline septentrionale, où le sol est excellent : je suis tenté d'aller avec eux, et de reprendre mon premier état. Vous trouverez, sans doute, des amis qui vous aideront. Si vous voulez vous charger des dettes de la société, rendre à mon père les cent livres sterlings qu'il a avancées, payer mes petites dettes particulières, et me donner trente livres sterlings et une selle neuve, je renoncerai à notre société et laisserai tout ce qui en dépend, entre vos mains.»
Je n'hésitai point à accepter cette proposition. Elle fut écrite, signée et scellée sans délai. Je donnai à Meredith ce qu'il demandoit, et bientôt après il partit pour la Caroline, d'où il m'écrivit l'année suivante deux longues lettres, contenant les meilleurs détails qui eussent été donnés sur cette province, relativement au climat, au sol et à l'agriculture ; car il ne manquoit pas de connoissances à cet égard.
    Je publiai ses lettres dans ma feuille, et elles furent très-bien accueillies du public.
Aussitôt que Meredith fut parti, j'eus recours à mes deux amis ; et ne voulant donner à aucun d'eux une préférence désobligeante pour l'autre, j'acceptai de chacun la moitié de ce qu'il m'avoit offert, et qui m'étoit en effet nécessaire. Je payai les dettes de la société, et continuai le commerce pour mon propre compte. J'eus soin, en même-temps d'avertir le public que la société étoit dissoute. Ce fut, je crois, en l'année 1729, ou à-peu-près.
Vers cette époque, le peuple demanda une nouvelle émission de papier-monnoie. Tout celui qui avoit été créé jusqu'alors en Pensylvanie, ne s'élevoit qu'à quinze mille livres sterlings, et il devoit être bientôt éteint. Les habitant riches, prévenus contre tout papier de ce genre, parce qu'ils craignoient sa dépréciation, comme on en avoit eu l'exemple dans la province de la Nouvelle-Angleterre, au préjudice de tous les créanciers, s'opposoient fortement à ce qu'on en créât davantage.
Nous avions discuté cette affaire dans notre club, où je m'étois prononcé en faveur de la nouvelle émission. J'étois convaincu que la première petite somme, fabriquée en 1723, avoit fait beaucoup de bien dans la province, en favorisant le commerce, l'industrie et la population ; car depuis, toutes les maisons étoient habitées, et plusieurs autres s'élevoient ; tandis que je me souvenois que la première fois que j'avois rodé dans les rues de Philadelphie, en mangeant mon pain, la plupart des maisons de Walnut-Street, Second-Street, Fourth-Street et même plusieurs de celles de Chesnut-Street et ailleurs, portoient des écriteaux qui annonçoient qu'elles étoient à louer ; ce qui m'avoit fait penser que les habitans de cette ville l'abandonnoient l'un après l'autre.
Nos débats me mirent si bien au fait de ce sujet, que j'écrivis et publiai un pamphlet anonyme intitulé :
    Recherches sur la nature et la nécessité d'un papier-monnoie.—Il fut accueilli par les gens de la classe inférieure : mais il déplut aux riches, parce qu'il augmenta les clameurs en faveur de la nouvelle émission. Cependant, comme il n'y avoit dans leur parti aucun écrivain capable de répondre à mon pamphlet, leur opposition devint moins forte ; et la majorité de l'assemblée étant pour le projet, il passa.
Les amis que j'avois acquis dans cette assemblée, persuadés qu'en cette occasion j'avois rendu un service essentiel au pays, crurent devoir me récompenser en me donnant l'impression des nouveaux billets. L'ouvrage étoit lucratif, et il vint très à propos pour moi. Ce fut un autre avantage que je dus à mon talent pour écrire.
Le temps et l'expérience démontrèrent si pleinement l'utilité du papier-monnoie, que par la suite, il n'éprouva jamais une grande contradiction ; de sorte qu'il monta bientôt jusqu'à cinquante-cinq mille livres sterlings, et en l'année 1739, à quatre-vingt mille livres

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