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Vie de Franklin, écrite par lui-même - Tome I

Vie de Franklin, écrite par lui-même - Tome I

Titel: Vie de Franklin, écrite par lui-même - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benjamin Franklin
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papier pro-patria, en caractère de cicéro, avec de longues notes du plus petit caractère. J'en composois une feuille par jour, et Meredith la mettoit sous presse.
Il étoit souvent onze heures du soir, quelquefois plus tard, avant que j'eusse achevé ma distribution pour le travail du lendemain ; car les petits ouvrages, que nous envoyoient de temps en temps nos amis, ne laissoient pas que de nous détourner. J'avois cependant si bien résolu de composer chaque jour une feuille de l'histoire des quakers, qu'un soir, lorsque ma forme étoit imposée et que je croyois avoir achevé mon travail de la journée, un accident ayant rompu cette forme et dérangé deux pages entières, je les distribuai immédiatement, et les composai de nouveau, avant de me mettre au lit.
Cette infatigable assiduité, dont s'appercevoient nos voisins, commença à nous donner de la réputation et du crédit.
    J'appris, entr'autres choses, que notre imprimerie étant devenue le sujet de la conversation, dans un club de marchands, qui s'assembloient tous les soirs, et l'opinion générale ayant été qu'elle tomberoit, parce qu'il y avoit déjà en ville deux imprimeurs, Keimer et Bradford, cette opinion avoit été combattue par le docteur Bard, que nous avons eu vous et moi, occasion de voir plusieurs années après, dans son pays natal, à St.-André en Écosse.—«L'activité de ce Franklin, dit-il, est supérieure à tout ce que j'ai vu en ce genre. Le soir, en me retirant du club, je le vois encore à l'ouvrage, et le matin il s'y est remis avant que ses voisins soient levés.»
Ce discours frappa le reste de l'assemblée ; et bientôt après un de ses membres vint nous trouver, et nous offrit de nous fournir des articles de papeterie. Mais nous ne voulions pas encore nous charger de tenir une boutique.
Ce n'est point pour m'attirer des louanges que j'entre si librement dans les détails sur mon assiduité au travail ; c'est pour que ceux de mes descendans, qui liront ces mémoires, connoissent le prix de cette vertu, en voyant dans le récit des évènemens de ma vie, de quel avantage elle m'a été.
George Webb ayant trouvé un ami, qui lui prêta l'argent nécessaire pour racheter son temps, de Keimer, vint un jour s'offrir à nous pour ouvrier. Nous ne pouvions pas l'occuper tout de suite : mais je lui dis imprudemment, en lui recommandant le secret, que je me proposois de publier avant peu une nouvelle feuille périodique, et qu'alors nous lui donnerions de l'ouvrage. Je lui fis part de mes espérances de succès. Elles étoient fondées sur ce que le seul papier que nous avions en ce temps-là à Philadelphie, et qui s'imprimoit chez Bradford, étoit pitoyable, mal dirigé, nullement amusant, et cependant donnoit du profit à son propriétaire.
    J'imaginois donc qu'un bon ouvrage de ce genre ne pourroit manquer de réussir. Webb dévoila mon secret à Keimer, qui, pour me prévenir, publia sur-le-champ le prospectus d'une feuille, qu'il se proposoit d'imprimer, et à laquelle il devoit employer Webb.
Je fus indigné de ce procédé, et comme je voulois contrecarrer Keimer et Webb, et que je ne pouvois pas encore commencer ma feuille périodique, j'écrivis dans celle de Bradford, quelques pièces amusantes sous le titre du Tracassier, (Busy-Body) [Une note manuscrite qui se trouve dans la collection du Mercure Américain, conservée dans la bibliothèque de Philadelphie, dit que Franklin écrivit les cinq premiers numéros de ce journal et une partie du huitième.] que Breintnal continua pendant quelques mois. Par ce moyen, j'attirai l'attention du public sur la feuille de Bradford ; et le prospectus de Keimer, que nous tournâmes en ridicule, fut regardé avec mépris. Malgré cela, sa feuille fut commencée : mais l'ayant continuée neuf mois de suite, sans avoir plus de quatre-vingt-dix souscripteurs, il me proposa de me la céder pour une bagatelle. J'étois prêt, depuis quelque temps, à entreprendre une pareille affaire ; j'acceptai, sans balancer, l'offre de Keimer ; et en peu d'années la feuille imprimée pour mon compte, me donna beaucoup de profit.
Je m'apperçois que je suis porté à parler au singulier, quoique ma société avec Meredith continuât. C'est, peut-être, parce que, dans le fait, toute l'entreprise rouloit sur moi. Meredith n'étoit point compositeur, mais pressier médiocre, et rarement il s'abstenoit de trop boire. Mes amis étoient affligés de me voir lié avec lui : mais je fesois en

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