Vie de Franklin, écrite par lui-même - Tome I
nuages orageux étoient très-communément dans un état négatif d'électricité, mais quelquefois aussi dans un état positif. De là il inféra nécessairement que le plus souvent les coups de tonnerre étoient l'effet de l'électricité de la terre, qui frappoit les nuages, et non de celle des nuages, qui frappoit la terre.
La lettre, qui contient ces observations, est datée du mois de septembre 1753.
Cependant la découverte de l'ascension du tonnerre passe pour être assez récente, et est attribuée à l'abbé Bertholon, qui publia un mémoire sur ce sujet en 1776.
Les lettres de Franklin ont été traduites non-seulement dans la plupart des langues de l'Europe, mais en latin. À mesure qu'elles se sont répandues, les principes qu'elles contiennent ont été suivis. Cependant la théorie de Franklin ne manqua pas d'abord d'adversaires. L'abbé Nollet fut un de ceux qui la combattirent : mais les premiers physiciens de l'Europe en devinrent les défenseurs ; et parmi ces derniers on doit distinguer Dalibard et Beccaria. Insensiblement les ennemis disparurent ; et maintenant par-tout où l'on cultive la science de l'électricité, on a adopté le systême de Franklin.
Nous avons déjà fait mention de l'important usage que Franklin fit de ses découvertes, pour préserver les maisons des redoutables effets de la foudre. Les conducteurs sont devenus très-communs en Amérique : mais malgré les preuves certaines de leur utilité, le préjugé les empêche encore d'être généralement adoptés en Europe. Les hommes se déterminent difficilement à renoncer à leurs coutumes pour en prendre de nouvelles ; et, peut-être, devons-nous plutôt nous étonner de voir qu'un usage utile, qui n'a été proposé que depuis environ quarante ans, soit déjà établi en beaucoup d'endroits, que de ce qu'il n'est pas encore universellement suivi. Ce n'est que par degrés que les choses les plus salutaires peuvent être mises en pratique. Il y a près de quatre-vingts ans que l'inoculation a été introduite en Europe et en Amérique. Cependant, elle n'est pas d'un usage général ; et il faut, peut-être, encore un ou deux siècles avant qu'elle le devienne.
En 1745, Franklin publia un mémoire sur les cheminées, qu'il avoit nouvellement inventées en Pensylvanie.
Il fit connoître, d'une manière très-détaillée, les avantages et les désavantages des différentes cheminées, et il s'efforça de démontrer que les siennes méritoient d'être préférées à toutes les autres. Les poêles ouverts devinrent dès-lors d'un usage général : mais ils ne sont pas tout-à-fait construits conformément à ses principes, puisqu'ils n'ont point par derrière une boîte, par le moyen de laquelle l'air chaud soit rejeté dans l'appartement. Ces poêles ont, à la vérité, l'avantage de faire continuellement circuler la chaleur ; de sorte qu'on a besoin de moins de chauffage pour entretenir la température dans un état convenable, sur-tout lorsque la chambre est assez close pour empêcher l'air extérieur d'entrer : mais ils peuvent aussi occasionner des rhumes, des maux de dents, et d'autres incommodités de ce genre.
Quoique pendant plusieurs années la physique fût le principal objet des études de Franklin, il ne s'y borna pas entièrement. En 1747, il fut élu, par la ville de Philadelphie, membre de l'assemblée générale de la province. Il y avoit alors beaucoup de dispute entre l'assemblée et les propriétaires [Les héritiers de William Penn.]. Chaque parti défendoit ce qu'il croyoit être ses droits. Franklin, dès son enfance, ardent ami des droits de l'homme, se montra bientôt l'un des plus fermes opposans aux injustes projets des propriétaires. Il fut même regardé comme le chef de l'opposition ; et ce fut à lui qu'on attribua la plupart des courageuses réponses que l'assemblée fit aux messages des gouverneurs.
Il acquit beaucoup d'influence dans l'assemblée : mais il ne dut point cette influence à une éloquence extraordinaire. Il ne parloit que rarement ; et il ne fit jamais ce qu'on appelle un discours soigné.
Il énonçoit communément une seule maxime, ou bien il racontoit un fait, un trait historique, dont la conséquence ne manquoit pas d'être saisie. Son extérieur étoit doux et prévenant. Sa méthode, en parlant comme en écrivant, étoit simple, sans art et singulièrement concise. Mais avec cette manière naturelle, sa sagacité et son jugement solide, il savoit confondre les
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