Vie de Franklin, écrite par lui-même - Tome I
première est datée du 28 mars 1747. C'est là qu'il fit connoître la propriété qu'ont toutes les pointes, d'attirer et d'écarter la matière électrique, propriété qui avoit jusqu'alors échappé à la sagacité des physiciens. Il reconnut aussi le premier, un plus et moins, ou un état positif et négatif d'électricité. Nous n'hésitons point à lui faire honneur de cette découverte, quoique les Anglais l'aient attribuée à leur compatriote Watson. L'écrit, où Watson en fait mention, est daté du 21 janvier 1748 ; et celui de Franklin est du 11 juillet 1747, c'est-à-dire, de plus de six mois antérieur à l'autre.
Enfin, d'après sa théorie, Franklin expliqua d'une manière satisfaisante, les phénomènes de la bouteille de Leyde, phénomènes qui, d'abord observés par M. Cuneus, ou par le professeur Muschenbroeck de Leyde, ont long-temps embarrassé les physiciens. Il démontra clairement que quand on chargeoit la bouteille, elle ne contenoit pas plus d'électricité qu'auparavant, parce que plus elle en recevoit d'un côté, plus elle en rejetoit de l'autre ; et qu'il suffisoit d'établir entre les deux côtés une communication, pour opérer le retour de l'équilibre, de manière qu'il ne restoit plus aucun signe d'électricité.
Il prouva ensuite, par expérience, que l'électricité ne résidoit pas dans la garniture de la bouteille, mais dans les pores du verre même.
Après qu'une bouteille fut électrisée, il en changea la garniture, et trouva, qu'en y en appliquant une nouvelle, il en partoit encore un choc électrique.
En 1749, il songea à expliquer les phénomènes de la foudre et des aurores boréales, d'après les principes de l'électricité. Il avança qu'il y avoit plusieurs traits d'analogie entre les effets de l'électricité et ceux de la foudre ; et il présenta à l'appui de cette assertion, un grand nombre de faits, et de raisonnemens tirés de ces faits. La même année, il conçut l'audacieuse et admirable idée de démontrer la vérité de son systême, en attirant la foudre, par le moyen d'une barre de fer terminée en pointe, et élevée dans la région des nuages. Même dans cette expérience incertaine, le désir d'être utile au genre-humain se montre d'une manière frappante.
Admettant l'identité de la foudre et de la matière électrique, et connoissant la double propriété qu'ont les pointes d'écarter les corps chargés d'électricité, et d'attirer ce fluide doucement et imperceptiblement, il suggéra l'idée de préserver les maisons et les vaisseaux du danger de la foudre, en y plaçant des barres de fer pointues, qui en surmonteroient de quelques pieds la partie la plus élevée, et descendroient aussi de quelques pieds, soit dans la terre, soit dans l'eau. Il conclut que l'effet de ces barres seroit d'écarter le nuage à une distance où l'éclat de la foudre ne pourroit pas se faire sentir ; d'en détacher la matière électrique, ou du moins, de la conduire jusque dans la terre, sans qu'elle pût être dangereuse pour le bâtiment.
Ce ne fut que dans l'été de 1752, qu'il put démontrer efficacement sa grande découverte.
La méthode qu'il avoit d'abord proposée, étoit de placer sur une haute tour ou sur quelqu'autre édifice élevé une guérite, au-dessus de laquelle seroit une pointe de fer isolée, c'est-à-dire, plantée dans un gâteau de résine. Il pensoit que les nuages électriques, qui passeroient au-dessus de cette pointe, lui communiqueroient une partie de leur électricité, ce qui deviendroit sensible par les étincelles, qui en partiroient toutes les fois qu'on en approcheroit une clef, la jointure du doigt ou quelqu'autre conducteur.
Philadelphie n'offroit alors aucun moyen de faire une pareille expérience. Tandis que Franklin attendoit impatiemment qu'on y élevât une pyramide, il lui vint dans l'idée qu'il pourroit avoir un accès bien plus prompt dans la région des nuages, par le moyen d'un cerf-volant ordinaire, que par une pyramide. Il en fit un en étendant sur deux bâtons croisés un mouchoir de soie, qui pouvoit mieux résister à la pluie que du papier. Il garnit d'une pointe de fer le bâton qui étoit verticalement posé. La corde étoit de chanvre comme à l'ordinaire ; et Franklin en noua le bout à un cordon de soie, qu'il tenoit dans sa main. Il y avoit une petite clef attachée à l'endroit où la corde de chanvre se terminoit.
Aux premières approches d'un orage, Franklin se rendit dans les prairies qui
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