Vie de Franklin, écrite par lui-même - Tome I
enfans, qui y ont été admis, y a demeuré trois ans, ainsi qu'il est d'usage, on trouvera qu'on y a donné la principale partie de leur éducation à plus de douze cents enfans, qui, sans cela, seroient restés, pour la plupart, privés de toute espèce d'instruction. En outre, plusieurs de ceux qui ont été élevés dans cette école, sont maintenant comptés parmi les citoyens les plus utiles et les plus estimés de l'état.
L'institution, si heureusement commencée, continua à prospérer à la grande satisfaction de Franklin.
Malgré ses études, et les occupations multipliées, qu'il avoit alors, il fut extrêmement assidu aux visites et aux examens qui se fesoient chaque mois dans les écoles. Il eut également soin de profiter des correspondances qu'il entretenoit dans plusieurs pays, pour étendre la réputation du collége de Philadelphie, et y attirer des élèves des différentes parties du continent de l'Amérique et des Antilles.
Par l'entremise du docteur Collinson, ce généreux et savant ami de Franklin, les curateurs du collége virent se réunir à eux [L'acte d'incorporation est du 13 juillet 1753.], les deux héritiers du fondateur de la Pensylvanie, Thomas Penn et Richard Penn, qui, en même-temps, firent au collége un présent de cinq cents livres sterlings. Franklin commença dès-lors à se flatter de voir bientôt accomplir son principal dessein. Il espéra que Philadelphie alloit avoir une institution semblable aux colléges et aux universités d'Europe ; institution à laquelle, suivant lui, son premier collége devoit seulement servir de base.
L'éclaircissement de ce fait est très-important pour la mémoire de Franklin, comme philosophe et comme ami et bienfaiteur des sciences. Il dit expressément, dans le préambule des statuts du collége : «Que ce collége étoit fondé pour qu'on y enseignât le latin et le grec, avec toutes les autres parties utiles des arts et des sciences ; qu'il étoit en outre tel qu'il convenoit à un pays encore peu avancé, et qu'il devoit servir de base à la postérité, pour établir un séminaire de savoir, plus étendu et analogue aux circonstances qui auroient lieu dans le temps».—Malgré cela, on s'est étayé naguère de l'autorité du docteur Franklin, pour prétendre que le latin, le grec et les autres langues mortes, étoient un embarras dans le plan d'une éducation utile ; et que le soin qu'on avoit pris de fonder un collége plus étendu que le sien, avoit été contraire à son intention et lui avoit occasionné du mécontentement.
Si ce que nous venons de citer plus haut, ne suffit pas pour prouver la fausseté de cette assertion, les lettres, que nous allons transcrire, achèveront de la démontrer. Un homme, qui venoit de publier des idées sur un collége propre à un pays encore peu avancé, c'est-à-dire, à New-York, envoya son pamphlet à Franklin, et lui demanda quelle étoit son opinion à ce sujet. Franklin lui répondit. Leur correspondance, qui dura environ un an, fut suivie de l'établissement du grand collége, sur les principes du premier. L'auteur du projet fut, en même-temps, mis à la tête de l'un et de l'autre ; et depuis trente-six ans, il les dirige d'une manière très-distinguée.
On verra aussi par ces lettres, quel étoit alors l'état du collége.
À M. W. Smith, à Long-Island.
Philadelphie, le 19 avril 1753.
«J'ai reçu, Monsieur, votre lettre du 11 courant, ainsi que votre nouvel écrit [Intitulé : Idée générale du collége de Mirania.] sur l'éducation. Je vais le lire attentivement, et par le prochain courrier, je vous en dirai ma façon de penser, ainsi que vous le désirez.
»Je pense que vos jeunes élèves pourroient faire ici, d'une manière satisfaisante, un cours de mathématiques et de physique. M. Alison [Le savant docteur Francis Alison, qui est devenu vice-recteur du collége de Philadelphie.], qui a été élevé à Glascow, a long-temps professé la dernière de ces sciences, et M. Grew [M. Théophile Grew, professeur de mathématiques dans le même collége.] la première ; et leurs écoliers font des progrès très-rapides. M. Alison est à la tête de l'école de latin et du grec : mais comme il a maintenant trois bons aides [Ces aides étoient alors M.Charles Thompson, dernier secrétaire du congrès ; M. Paul Jackson et M. Jacob Duche.], il peut fort bien consacrer, chaque jour, quelques heures à l'instruction de ceux qui étudient les hautes sciences.]
»Notre
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