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Viens la mort on va danser

Viens la mort on va danser

Titel: Viens la mort on va danser Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Segal
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une ornière.
    Michel a refait le plein de mazout, pressé
d'arriver à New York. Tout le monde a repris sa place; dans une semaine nous y
serons, si les vents sont favorables.
    Certains commencent déjà à parler de ce
qu'ils feront ensuite. On s'attaque à l'Amérique sans la connaître, aussi
devient-elle une caricature. On se dispute un peu et puis on se réconcilie
autour du baril de rouge dont le niveau a considérablement baissé. Il n'y a
plus de fruits ni de pain mais rien n'arrête l'imagination culinaire de Michel,
qui mélange presque tous les restes et vous sert des soupes à faire pâlir
d'envie un grand chef.
    36"N 68'W
    Michel a capté la radio canadienne et
américaine : Tabarly a gagné. Champagne !
    Colas serait disqualifié pour avoir fait
escale à Terre-Neuve. Personne ne prend parti. Ces hommes-là se sont battus
contre un chrono, nous pas. Le temps que l'on met à traverser le grand océan
nous importe peu; certains même aimeraient faire traîner le vent parce que
demain est là qui ressemble à pas grand-chose, avec une odeur sans odeur de
paperasse ou de métro.
    4&N 71"W
    Aujourd'hui c'est le 4 juillet; on a raté
la parade du bicentenaire. On est en retard comme les cancres de la mer. Les
flonflons, ce ne sera pas pour nous.
    6 juillet au matin
    Tout le monde est posté dans les vergues.
Moi sur le taud. Soudain mon ventre se tord, se met à. vouloir dégorger tous
les virus de l'Asie. Je vais à nouveau me vider mais, après trente jours entre
les étoiles et la mer, apercevant enfin cette ville posée au loin, je ne
voudrais pour rien au monde « rater mon entrée ». Michel descend dans les
cabines et remonte avec mes toilettes de camping et mon seau. Je m'assieds
dessus.
    Toutes voiles dehors, nous entrons dans le
port de New York. Des hélicoptères viennent nous saluer puis décrochent comme
des insectes. Des mains s'agitent sur les ferries. J'assiste à tout ça assis
sur mon seau... Long Island... Coney Island... la statue de la Liberté baignée
de lumière... sur mon seau... la ville rougeoie comme une forge... Voilà le
Nouveau Monde... En me tenant le ventre, je salue l'Amérique !

IV
     
     
    AU CŒUR DU CŒUR
     
     
     
    Sur les quais noirs de monde je vais mon chemin, mal à l'aise sur le sol crasseux.
On parle toutes les langues; on se fait photographier devant les bateaux. Dans
quelques jours, Michel partira vers Newport, la Gaspésie, à l'extrême pointe du
Québec, et descendra le Saint-Laurent jusqu'à Montréal. Moi, je filerai tout de
suite au Canada pour essayer de couvrir les Jeux Olympiques.
    Mais avant cela je prends une chambre dans
un hôtel dominant lés quais. Je me glisse dans un bain qui semble ne jamais
devoir finir; je verse un  flacon entier de shampooing sur ma tignasse pour la
démêler et jongle avec mon rasoir qui patine dans la barbe. Je garde juste ma
moustache et mes cheveux longs. Ensuite…
    Ensuite, ma première nuit dans un vrai lit propre
est un calvaire. Je me retourne dans tous les sens, les draps sont trop
propres, trop doux — mais pourquoi cette chambre ne bouge-t-elle pas ? —, je
cherche le balancement de la vague.
    Le lendemain, je fais mes adieux à Michel
que je retrouverai dans deux semaines à Montréal.
    Un article particulièrement judicieux du règlement
intérieur de la compagnie Air Canada interdit aux gens dits handicapés de
voyager seuls. Aussi refuse-t-elle de m'embarquer. Je proteste, je crie mon
tour du monde, la Transat, mais rien n'y fait; je rentre dans une fureur noire
et rate mon avion.
    Une compagnie américaine, elle, m'embarque,
mais je devrai m'asseoir sur une couverture qui pourra en cas de crash servir
de gigantesque balluchon (de linge sale). Ainsi ficelé aux quatre coins, on
pourra me porter, me ballotter, me secouer; me balancer, me trimbaler, etc. En
plus du manque total d'efficacité de cette technique, la couverture (on est en
plein été et je suis en chemisette) me gratte épouvantablement. C'était sûrement
plus confortable* dans la soute; la prochaine fois je demanderai une niche.
    A l'aéroport de Mirabel, Suzanne Sauvage,
une amie québécoise de longue date, m'attend. C'est la seule personne que je
connaisse ici. Grande et pleine de charme, elle semblé très préoccupée par ces
Jeux qui commenceront dans une semaine. En quelques minutes, elle me raconte
tout des mille problèmes dont les plus importants sont les grèves qui ont arrêté
la construction de la flèche du stade, les

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