Viens la mort on va danser
installations qui ne sont pas encore
terminées et les cinquante ans d'impôts supplémentaires que ces trois semaines
de Jeux coûteront aux Québécois.
Puis elle me dépose dans un hôtel de la rue
Crescent en attendant de me trouver un logement.
J'entre tout de suite en contact avec le
comité d'organisation des Jeux afin de retirer mes cartes et laissez-passer. Je
me recommande de mon agence photo et prends rendez-vous.
Persuadé que tout s'arrangera rapidement et
facilement, je pénètre dans les bureaux du complexe Desjardin — immense bâtisse
creusée de galeries souterraines, de boutiques et de salles de conférence —, je
longe une queue interminable de gens que je regarde à peine, et continue de
rouler en direction du service de presse. Après des mètres et des mètres j'en
découvre enfin la porte : juste en tête de la queue 1 Ils sont huit mille correspondants
à être venus, et ceux-là qui attendent sont, comme moi, sans accréditation.
Je retourne au bout de la queue; j'y croise
des photographes venus du monde entier, bardés de boîtiers motorisés, de
téléobjectifs d'un mètre, de « 1000 » en bandoulière. Certains portent des
gilets-cartouchières pouvant contenir plusieurs dizaines de films. J'attends.
Quelqu'un raconte que pour obtenir l'accréditation — cette lettre donnée par le
Comité olympique et qui autorise un photographe professionnel à travailler — il
ne suffit pas d'avoir sa carte de journaliste. Je ne suis même pas journaliste
!
La jeune femme qui me reçoit dans le bureau
du service de presse est un peu surprise lorsque, me demandant ma carte de
presse et mes autorisations, je lui montre tout ce que je possède : deux petits
appareils.
« Mais les accréditations sont closes
depuis deux ans, me dit-elle, et il y a déjà en excédent deux cents
photographes munis d'autorisation! Pourquoi arrivez-vous maintenant, juste une
semaine avant les Jeux ? »
Pendant quelques secondes je suis
décontenancé. Je ne peux tout de même pas lui raconter ma courte carrière de
photographe; puis j'attrape au bond sa dernière phrase : « Si j'arrive
maintenant, mademoiselle, si je suis tellement en retard, c'est que nous
n'avons pas eu assez de vent !
De vent ?
" — Oui, de vent ! Il nous a manqué
pour traverser l'Atlantique.
Comment ? Vous avez traversé l'Atlantique à
la voile sur votre « char » à roulettes? Eh bien, dites donc, vous êtes
drôlement chanceux d'être arrivé vivant ! »
Après quoi, levant les yeux vers le
plafond, elle ajoute :
« Je ne vous promets rien, mais repassez
demain. J'en parlerai au Comité olympique. »
Quand je sors dans la rue Dorchester, le
vent ébouriffe mes cheveux. Le vent! le bon vent qui me pousse. Il est temps
d'étarquer ma voile si je veux prendre de vitesse mes concurrents...
Il
fait bon ce soir dans les ruelles de la place Jacques-Cartier. Ça danse, ça
chante en grattant la guitare; et cette odeur de « pot », de chanvre fumé, qui
chavire les narines. Tous les immigrants se sont retrouvés là, en boubou, en blue-jean,
en bonze, en n'importe qui et n'importe quoi; les policiers eux-mêmes semblent
déguisés.
Je flâne dans, les ruelles, je laisse
courir mes yeux et mes rêves sans direction, sans attaches, puis tard dans la
nuit je me décide à rentrer.
Je fais signe à un taxi de l'autre côté de
la rue.
« Vous allez où?
- Rue Crescent.
- Vous êtes français?... »
Dans le taxi, nous commençons à parler.
Albert est étudiant et comme beaucoup d'étudiants au Canada,
il fait le taxi après ses cours. Arrivés à la porte de l'hôtel, il ne nous
reste plus que quelques détails à mettre encore en commun. L'amitié est faite.
« Demain, je t'emmène visiter la ville ! »
Le regard tendu vers la pile
d'accréditations destinées à la corbeille, je tente de respirer lentement, de
poser et calmer ma respiration. Faire celui qui a tout son temps. Diane, la
jeune femme du service de presse, a pourtant remarqué mon avance. Je crois,
être arrivé avant elle.
Je repère les noms des photographes
destinés à la corbeille : Afrique — Allemagne — Brésil — France... Voyons ça de
plus près : « Bon sang! Nick Weeler et Hervé Tardy, dés copains de l’agence !
Et ils vont débarquer avec 30 kilos de matériel et 5000 F de frais de voyage! »
- Diane me sourit :
« Vous êtes chanceux. Le Comité veut bien
vous donner une carte de photographe et tous les laissez-passer
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