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Viens la mort on va danser

Viens la mort on va danser

Titel: Viens la mort on va danser Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Segal
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pour le stade
et le village. » Gagné ! Mais il faut aller plus loin. « Diane, c'est
formidable ce que vous avez fait pour moi et je vous remercie infiniment, mais
j'ai deux copains, là, sur la liste des exclus. Ça serait une catastrophe pour
eux !...
    — Montrez-moi leurs noms, allez, je m'en
occupe. Mais c'est bien parce que vous êtes venu à la voile !»
    (Un peu plus tard, dans le numéro de juin
1977 de Reporter, Hervé Tardy me remerciait en ces termes : « (...) C'est grâce à lui que nous
avons pu couvrir ces Jeux olympiques que vous avez vécus avec nous. Car où
serait cette maudite accréditation s'il n'avait eu le réflexe de penser à nous
le jour où un employé modèle allait l'égarer ? »)
    Cette jeune femme, Diane, qui m'a donné une
aide inattendue, aussi bien qu'Albert, le chauffeur de taxi qui m'a promené au
gré de mes désirs, ressemblent à des personnages de conte de fées. Des
personnages de conte, j'en ai si souvent rencontrés ! Il suffit souvent de
quelques mots pour ouvrir un trésor. Pendant mon séjour à Montréal, je
trouverai une pleine poignée de ces gens-là. Tels ces amis que je me suis faits
à Tahiti lors de mon tour du monde : je tombe sur eux et ils m'invitent
aussitôt dans leur chalet des Laurentides.
    Au milieu des bois, entre la résine et la confiture
d'érable, ils me parlent du Québec « ... avec ses rivières larges comme dix
fois nos fleuves et l'or au milieu des cailloux qui a fait de ce pays Une terre
de chercheurs ». Et aussitôt surgit l'un de nies souvenirs : ma sœur et moi,
étant enfants, l'hiver venu dans nos collines de Champagne, nous attachions à
notre chien une luge sur laquelle nous avions posé des friandises, une pelle,
un canif et nous allions jouer au trappeur. Dans la faible épaisseur de neige
nous cherchions des traces, parfois nous étions surpris par une empreinte de
géant, celle d'un géant de Ti. Puis, soufflant sur nos doigts, nous repartions
à l'aventure.
    Ces amis auprès desquels je m'enquiers d'un
gîte ont un nom prédestiné : ils s'appellent Cabane.
    « Notre chalet des Laurentides, me
disent-ils, est bien trop éloigné des stades, mais un parent à nous, un cousin,
a une maison dans la banlieue nord de Montréal. Une maison « malheureusement
avec des marches », mais vous pourriez habiter au sous-sol. »
    Le jour suivant, je m'installe dans le
sous-sol du cousin, Michel Frutéro. Il me manque la vue sur le Saint-Laurent
mais, en compensation, j'ai la gentillesse extraordinaire de mon hôte :
apprenant mon arrivée, il a déjà fait installer un lit, une tablé, un petit
coin toilette, le téléphone.
    Ce premier soir, allongé sur mon lit,
j'appelle le restaurant chinois situé à l'angle de la rue pour qu'il m'envoie
un repas chaud. Je m'installe au milieu de skis d'enfant, de vieux journaux, de
souvenirs en peluche. Je m'installe comme un clochard heureux tout au bas de
cette grande maison, au bord d'un lampadaire, et j'attends mon repas de fête,
comme à Pékin.
    Je reçois celui-ci emballé dans des bols de
carton : deux morceaux de Chine au pays du plastique, deux bols qui ignorent le
bleu de la porcelaine comme un bestiaire de l'Antiquité dessiné au stylo à
bille.
    Je déplie la serviette de papier, froide et
gaufrée et, dans le silence, je commence mon repas. La vapeur du bol de soupe
couvre de buée mon visage. Au goût de la soupe, du riz et du soja s'ajoutent le
goût de rencontres à jamais perdues, de mots rentrés, le parfum oublié de
Pékin, ma ville endormie, quand tard dans la nuit je me serrais près d'un
paravent en compagnie de quelques chauffeurs de taxi venus se réchauffer. En me
réfugiant dans la Cité impériale, j'essaie d'oublier l'Amérique. Le temps
s'étire sans serviettes chaudes, fumantes et parfumées, sans le sourire de la
petite serveuse en col mao. Le temps du repas se termine dans mon grenier à
l'envers.
    Je n'ai même plus le courage d'éteindre la
lampe. J'enfile l'un dans l'autre mes bols de carton comme de petites poupées
russes qui enfantent à l'infini et m'endors contre le mur — au pied de la
Grande Muraille.
    Michel, mon hôte, est rentré tôt le matin
sans faire de bruit; ensuite il a ouvert la porte du réfrigérateur. J'aime le
bruit du morceau de beurre fondant dans la poêle. J'aime le sourire de cet
homme qui réchauffe ses spaghettis. J'aime ce léger crépitement. La maison
maintenant embaume l'oignon et le parmesan.
    Pour les enfants je deviendrai

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