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Viens la mort on va danser

Viens la mort on va danser

Titel: Viens la mort on va danser Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Segal
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planques, ses longues heures d'embuscade, ses clichés tant
attendus.
    Un jour, il s'embusqua sur la corniche d'un
toit surplombant la clinique dans laquelle se trouvait Onassis. Il attendit que
quelqu'un vînt ouvrir la fenêtre, découvrant le corps affaibli du malade.
Lorsque la fenêtre fut ouverte, Onassis, mû par un sixième sens ou par son
intuition, tourna légèrement la tête et, levant les yeux, regarda dans sa
direction. En équilibre sur la corniche, Francis brandit son téléobjectif de
500 mm — le visage d'Onassis apparaissait en pleine lumière dans l'encadrement
de la fenêtre — et shoota immédiatement six photos.
    Le soir, en développant le film, son sang
se glaça : là, dans l'encadrement de la fenêtre, bien au milieu de la pièce et
de ses meubles métalliques, là sur le négatif à la place du lit : rien! Mais
plus rien! Tout avait disparu, le lit et le malade. Ils s'étaient envolés ou
dissous dans la pièce, comme si Onassis avait dit à la vie : « Tu vois, je
n'impressionne même plus la pellicule. »
    De son regard d'enfant, Francis me
demandait : « Comment tu peux comprendre, toi, un truc pareil?
    — Ce n'est peut-être pas un truc. L'homme
est sans doute capable de tout. De se déplacer à la vitesse de la lumière. De
lire et parler dans la tête des autres. De tordre la nuit, le désespoir. De tordre
la matière à distance, tordre des clefs comme Uri Geller, d'ouvrir toutes les
portes. Moi aussi je me pose souvent cette question : pourquoi ces tours du monde,
cette longue marche que je fais face à la mort et qui me laisse un vide au fond
des - tripes, comme une chambre de malade sans malade ni chambré ?»
    Francis est reparti, avançant en silence
sur les traces des noctambules dans le sable des conflits.
     
     
    Mes boîtiers de côté, le vieux sac sous le
lit, je me laisse traîner par les jours. Je me cogne à nouveau aux murs étroits
de mon appartement. J'attends à nouveau la Grande Rencontre ou n'importe quoi
d'autre qui me libère... Et puis, un matin, j'ai senti un signal, comme la
venue du printemps.

 
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
    TROISIÈME PARTIE

 
    I
     
     
    UNE AUTRE VIE
     
     
     
     
    J'Ar pointé un doigt imaginaire sur la
carte du monde. Là, au bout du doigt : Beyrouth, le Liban, où chrétiens et
musulmans s'entretuent. Je ne cherche pas les explications. Je ne cherche pas
aussitôt à trier les bons, les méchants, les comploteurs, les manipulateurs. Je
devine seulement, comme au Viêt-Nam, les horreurs physiques et morales qui
détruisent les victimes : les paralysies, les brûlures, les amputations. Ces
hommes et ces femmes dont la terre glisse entre les doigts.
    Je désire y soigner ces gens, créer les
conditions de leur guérison, avec modestie, sachant bien que mes efforts
n'enrayeront pas l'engrenage de la violence. Je désire partir là-bas avec un
enthousiasme fou, une croyance en l'homme. Pourquoi ? Je reste horrifié par la
misère et l'injustice, émerveillé par tous ces individus regardés un à un. Mais
pourquoi? Je ne sais pas, j'aimerais répondre : « parce que... » comme un
enfant.
    Je téléphone à « Médecins sans frontières
».et obtiens rapidement un rendez-vous avec le docteur Récamier. Dès le début
de notre entretien, je lui expose le motif de ma démarche :
    « Je désire soigner et contribuer à
organiser les soins et la rééducation des blessés de la guerre du Liban. Est-ce
que «Médecins sans frontières » peut m'aider?
    — Je comprends votre désir de partir sur le
terrain, me répond le docteur Récamier; mais personnellement notre organisation
ne peut rien faire. Nous ne sommes plus sur les lieux. Je ne peux donc que vous
recommander à une fondation de handicapés. Cette fondation a été contactée par
les chrétiens du Liban. Ils recherchent des rééducateurs pour les blessés de
guerre, hospitalisés dans un hôpital de Beyrouth. »
    Il n'a pas d'autres précisions. Tant pis,
mon choix est fait : je partirai et resterai là-bas, le temps nécessaire, quoi
qu'il arrive de ce côté de la mer Méditerranée.
    Mlle Hélène est petite; elle a trente-cinq
ans. Elle est l'envoyée des chrétiens du Liban. Elle me donne quelques détails
sur la situation médicale à Beyrouth. Suit une longue discussion sur la politique
à mener en faveur des handicapés, sur ma pratique au Viêt-Nam, etc.
    « C'est très bien, dit soudain Mlle Hélène,
mais à combien s'élèveront vos honoraires

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