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Viens la mort on va danser

Viens la mort on va danser

Titel: Viens la mort on va danser Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Segal
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me
prendre ?
    - Certainement, mais la saison des pluies persiste.
Il n'est pas sûr de revenir avant le printemps. Ça vous laisse seul en brousse
pendant sept à huit mois. »
    Huit mois seul à remonter les affluents
jusque dans lë haut Xingu, à la recherche des derniers Indiens de la forêt ! Je
veux être le témoin de leur vie simple; je veux partager la lenteur de leurs
gestes, le soir, dans la maison communautaire de palmes* tressées... Mais que dis-je?
Je ne sais rien d'eux et ne désire pas les étudier. Moi qui ne fais que passer,
je veux retrouver des racines. Je veux que la terre me parle, qu'elle me donne
des raisons de vivre.
    José, à qui je fais part de mon projet, me
raconte sa première rencontre avec les Indiens dans la partie amazonienne du
Pérou. Les membres de la tribu le détaillèrent, le touchèrent, tirant sur les
poils de Sa barbe. Il dut boire d'infectes décoctions qui lui soulevèrent le
cœur.
    Plus il parle et plus mon désir de partir augmente-
    La pluie a transformé les rues de Caracas
en mares huileuses et saumâtres; mon pilote n'a guère d'espoir de se poser au
sud de Boa Vista. Les terrains de brousse sont trop dangereux.
     
    *
     
    Me voici dans l'avion qui me ramène à
Paris. Avec le temps, le mauvais temps, ma résolution de partir en brousse
s'est embourbée. Je regarde la mer par le hublot, déçu et déprimé par cette décision
que je n'ai pas prise, comme si ma volonté s'était enlisée dans une saison de
pluies. Ainsi ai-je pris mon billet par désespoir, pour rien : rien ne m'attend
à Paris, aucun travail. Mais après 1 une fausse sortie! J'avais,
paraît-il, oublié de payer mes impôts, moi qui n'ai jamais rien gagné dans ce
pays. A l'aéroport, un inspecteur m'attendait. Par bonheur  Manuel était là,
une fois encore, et m'a sauvé de cette situation en se portant garant de moi.
    Perdu là-haut dans le ciel, je m'endors aisément.
Je m'endors avec mes rêves et mes nuages. Un moment, m'apparaît Rouge-Neige
tout ébouriffé et posant sur le monde son œil rond et mobile, puis Paris et les
feuilles rouges de l'automne. Les feuilles rouges se transforment en milliers
de photos de la Transat, des Jeux, des milliers de clichés répandus au pied de
la statue dé Simon Bolivar.
    Une odeur de bonbon flotte dans l'appartement
silencieux. J'y retrouve les secrets de la vieille dame. Dans un placard de
l'appartement s'entassent des échantillons de crêpe de Chine. Dans un tiroir de
ma chambre-tiroir : des cotonnades légères, des fleurs en perles de verre.
    Je file à l'agence. Au milieu dés boîtes de
carton, Alex me regarde : de nouvelles nuits de veille ont cerné son visage;
Delphine me saute au cou; Josette disparaît peu à peu derrière ses franges qui
lui couvrent les yeux. Je me sens un peu en famille dans ce couloir de récréation.
Le Turc » m'aborde avec un large sourire :
    « Tu as vu tes parutions ? Ton saut en
hauteur a fait la une de France-Soir. On en a diffusé partout en Europe de tes photos !»
    Mon sourire se fait aussi large que le
sien, puis tombe sur mes photos de Montréal et se referme soudainement. Toutes
mes photos sont légendées au nom de Nick ! Dans ma panique j'entends quelqu’un
me bredouiller une explication. L'archiviste stagiaire, en recevant les bobines
mélangées, aurait simplifié en mettant tout au nom d'un seul photographe. Quant
aux photos du départ de la Transat, mystère! Les bobines ont disparu, avalées
sans doute dans le dédale de la presse parisienne. Un travail forcené pour ce
piètre résultat.
    Alex, Francis, Thierry et moi allons au
café en face et là, près du zinc, sur un bout de plastique, on s'offre les
nouvelles du monde :
    « Le petit Arnaud a salement dérouillé au
Liban : quatre-vingt-cinq éclats d'obus. On lui a retiré un rein. C'est un très
sale coup mais il en veut, le môme. »
    Le beau Francis, à son habitude, engueule
et terrorise tout le monde puis d'un seul coup lâche un mot gentil.
    Un jour, lui qui ne m'avait jamais adressé
la parole m'aborda et me dit sur son ton bourru mais plein de tendresse :
    « Tu sais, ma mère, elle est comme toi. »
Lentement, ces quelques mots ont tissé autour de lui et de moi un fil d'amitié,
un fil immense et discret Francis le taciturne, Francis qui ne parle jamais —
qui monte ses « coups » tout seul, piste, traque ceux qui font les devantures
dé magazines — entrait chez moi et me racontait au milieu des boules de
naphtaline ses

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