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Viens la mort on va danser

Viens la mort on va danser

Titel: Viens la mort on va danser Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Segal
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dis-je, les flics vont nous encercler! »
    «
J'essaie de faire demi-tour, mais les roues du fauteuil tournent dans le vide.
J'ai à peine le temps de réaliser que le rouquin m'a ceinturé. Il me brandit sa
plaque de police. L'un des manifestants s'est joint à lui et m'entraîne à l'écart.
Je cogne de tous mes muscles. Le rouquin me balance par terre et se jette sur
moi.
    «
— Fous tes mains dans le dos, salope ! » J'étouffe, replié sur moi-même. Il me
fait une clef de bras et, d'un coup sec, referme les menottes sur mes poignets.
J'ai la bouche en sang; ils me cognent dans les jambes à toute volée. « Ne le
frappe pas dans la gueule, dit le chef... On va lui  faire avaler ses couilles
à ce pourri de traître. » A chaque coup, mes jambes tressautent comme des
polochons.
    «
— Arrêtez, bande de salauds, je suis un  " vétéran ", je suis
paralysé, arrêtez ! »
    «
L'arcade sourcilière vient de sauter. Ils me traînent sur le sol. Des femmes
crient. Mon pantalon est tombé le long de mes chevilles, ma poche à urine a
éclaté. Le rouquin m'a empoigné par les cheveux et me traîne jusqu'à la voiture
noire garée en contre bas du boulevard. Ils me balancent sur le siège arrière.
Je perds l'équilibre et prends un coup de genou en pleine poitrine. Ils me flanquent
sur le plancher et me décochent des coups de talon. L'odeur de sang mêlé à
l'urine me fait vomir.
    «
On m'emmène à l'infirmerie de la prison pour me faire passer des radios avant
de m'incarcérer. Le médecin me regarde et dit :
    «
— Vous auriez mieux fait de crever là-bas. J'ai bien envie de vous balancer par
la « fenêtre. »
    «
Ils me jettent dans une cellule. Une roue de mon fauteuil est tordue. J'ai
envie de chialer, je n'en peux plus.
    «
Le lendemain, quand ils m'emmènent, avec d'autres manifestants enchaînés, dans
une grande salle fortement éclairée, je crie :
    «
— Vous ne me foutez pas les menottes et les chaînes aux pieds aujourd'hui ?
Vous pourriez !... des fois que je parte en courant ! »
    «
Quand je me suis retrouvé dehors, j'étais libre mais plus prisonnier que
jamais. J'étais écarté des autres militants restés derrière les barreaux,
enchaînés et fiers. Libres de marcher, eux, les fers aux pieds ! »
    Je
laissai Ron à ses souvenirs enveloppés dans la fumée de son joint, et retournai
dans l'hôpital.
    Cette
révolte contre les systèmes, hospitalier et autres, je l'avais connue, mais
avec moins de violence car, selon moi, si la rééducation ne se fait pas ou se
fait mal, c'est beaucoup plus par ignorance que par méchanceté. D'ailleurs,
l'hôpital de Long Beach où avait peu séjourné Ron n'était pas à l'image de son
récit. Je connaissais trop bien toute l'équipe soignante et le merveilleux
docteur El Toraïe, si humain, si près de ses patients qu'il en oubliait parfois
de rentrer chez lui. Non, le procès de la médecine est impossible et Mathieu,
comme tant d'autres, l'expliquerait à Ron. Au-delà de la fonction, il y a
l'homme et seul celui qui sait entamer un vrai, dialogue avec les autres peut
se dire thérapeute.
    A
l'inverse de Ron qui supportait mal le passage de l'uniforme de guerrier
superbe à celui de rouleur de fauteuil, je ne m'étais jamais senti inférieur
depuis que je m'étais assis pour regarder la vie en pleine face.
    Mon
seul grade était ma ceinture noire, ce qui, au Japon, est considéré comme
l'insigne du bon débutant. J'avais tout à apprendre de la vie, des autres, de
la mort. Je n'avais pas pris de collines au Viêt-Nam; je n'avais pas ratissé
les villages en quête d’ennemis ; je m’étais mis au service des plus
défavorisés sans rien attendre en retour.
    Faire
les choses pour rien, ce qui est étrange dans notre civilisation matérialiste,
m’apportait une infinie plénitude.
     
     
    *
     
    Une autre histoire
me hantait : celle du petit Paul.
    Mathieu
me l'avait racontée un matin, troublé et heureux à la fois, comme un enfant qui
ouvre la cage de l'oiseau. Le petit Paul allait sur ses dix- sept ans, du moins
ce qu'il en restait. Son teint était terreux, de larges cernes bordaient ses
yeux de châtaigne. Enfoui au creux de son lit blanc, il n'attendait plus que la
délivrance.
    Poussé
par on ne sait quel rêve, il s'était jeté par la fenêtre du cinquième étage. La
famille avait profité de cet « accident » pour couper les ponts et se
débarrasser de cet enfant en quête de parents.
    Une
chose le torturait, et cela se voyait sur

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