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Viens la mort on va danser

Viens la mort on va danser

Titel: Viens la mort on va danser Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Segal
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ne me dît : « Il n'y a
plus d'espoir.»
    Voilà
pourquoi, depuis des mois, au fond de ma chambre, je me préparais en secret. Je
devais faire des progrès pour que les médecins consentent à me garder et
continuent à me soigner. Chaque mois, lors de la procédure d'obtention d'un nouveau
visa, il me fallait donner la preuve tangible et palpable que des progrès
avaient été enregistrés.
    Mes
vieilles attelles de métal, montées sur des chaussures orthopédiques à bords
larges, constituaient ma seule chance. Les jambes bien serrées dans les tiges
de métal, je me mettais lentement debout. Mes mains s'agrippaient au dossier du
fauteuil. Je me redressais encore un peu puis, maladroitement en appui sur mes
cannes, j'esquissais un mouvement de balancier. Ce mouvement oscillatoire me
faisait ressembler à un lapin mécanique. A chaque faux mouvement, une bouffée
de sueur m'inondait le visage. Je serrais les poignées de mes cannes de toutes
mes forces et tournais dans ma chambre avec des précautions d'explorateur et
l'inquiétude d'un petit animal fragile. Dressé sur mes bottes de sept lieues,
j'avais l'impression que j'allais toucher le plafond. Les meubles, tout d'un
coup, semblaient s'enfoncer dans la moquette ou avoir été construits pour un
nain. La baignoire n'était plus qu'une bassine émaillée, ma table un plateau;
la cage de l'oiseau avait l'air d'un napperon brodé. Habitué à vivre à
mi-hauteur, cette nouvelle perspective me donnait le vertige et la nausée. Il
m'arrivait de relâcher un instant ma tension d'esprit et de faire une fausse
manœuvre. Je suffoquais dans l'air, tournoyais avec mes cannes pour reprendre l'équilibre
et j'allais m'affaler, parfois sur le sol, parfois sur le lit qui hurlait sous
le choc. Inlassablement, je continuais mon entraînement secret...
    Les
séances d'acupuncture se succédaient. Mes questions, après chacune d'elles,
étaient toujours les mêmes. Lorsque je rouvrais les yeux, une pâle clarté
éclairait la pièce encore tout enfumée par lès bâtons d'armoise que le docteur
avait promenés sur ma peau. A travers le châssis de la fenêtre à guillotine,
quelques flocons se dandinaient. Je disais à la jeune femme penchée sur sa
table :
    «
Est-ce que l'on continuera ? » Elle relevait la tête et me souriait. Le sang me
battait les tempes.
    «
Revenez la semaine prochaine avec votre interprète et nous en parlerons. »
    Une
semaine plus tard, la porte de la salle d'attente s'ouvrait. La jeune femme
médecin pénétrait, accompagnée de trois professeurs grisonnants. On se saluait.
Des traces de fatigue couraient sous les yeux impeccablement plissés des
médecins.
    Ce
jour-là, comme toujours, la discussion fut longue à démarrer. Chacun
s'observait, on servait le thé, on relevait les jambes de son pantalon pour se
gratter. Sourire. Un peu de thé? — A vous. — Non, à vous. Et finalement on commença.
Le docteur Li entama une phrase très longue où les mots de chaleur, engourdissement,
sensibilité, apparaissaient comme un bon signe.
    L'entretien
dura trois heures; il-fallut tenir à ce rythme entrecoupé de rires et de
questions pointues.     -
    «
Et puis, vous comprenez... si nous n'obtenons pas de résultat, que penseraient
les médecins de chez vous? »
    Je
perçus le rire moqueur des mandarins détenteurs de la vérité : « Ah ! vous vous
êtes fait traiter par acupuncture... Et alors, pas de résultat?... » Qu'est-ce
que cinq mille ans de médecine pour un médecin de Molière ?
    Il
me fallait respirer profondément,  ne pas m'affoler. Un seul mot et la balance
pencherait en faveur du doute.      
    «
J'ai le sentiment d'une véritable et profonde amélioration.»  
    Ma
phrase partit, ronde et sèche, au milieu du terrain. Ils l'étudièrent, la
caressèrent, l'admirèrent même et, tandis que la sueur ruisselait dans mon dos,
tout en se concentrant ils m'annoncèrent que ce qui comptait en premier était
cette « sensation de profonde amélioration » que je disais ressentir. « Même si
elle est minime », ajoutèrent-ils. « Dans cette branche compliquée de la
neurologie, l'avis du patient est capital... La force de réussir est en vous,
comme un trésor caché sous le sable du temps. »
    Quelques
semaines plus tard, on m'apportait une lettre du bureau de la Sécurité. Mon
visa ne serait pas renouvelé. Les soins étaient arrêtés. En regardant en face
le messager, je lui souris et je dis ces trois mots :
    «
C'est pour

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