Vies des douze Césars
consul, des chevaliers romains, tirés au sort, marcheraient devant lui en grand costume et avec la lance militaire, entre les licteurs et les appariteurs. (7) À mesure que le péril approchait, tous les jours plus troublé, il fit garnir de pierres, appelées « phengites », les parois des portiques où il avait coutume de se promener, parce que leur surface polie réfléchissant les objets, il voyait tout ce qui se passait derrière lui. (8) Il n’entendait la plupart des prisonniers que seul et en secret, et tenant leurs chaînes dans ses mains. (9) Pour persuader aux gens de son service qu’il ne fallait pas, même dans une bonne intention, attenter aux jours de son maître, il condamna à la peine capitale Épaphrodite, un de ses secrétaires, parce qu’il passait pour avoir aidé Néron à se donner la mort, lorsqu’il fut abandonné de tout le monde.
XV. Présages de sa mort. Sa conduite envers l’astrologue Asclétarion
(1) Enfin, quoiqu’il eût reconnu publiquement, pour ses successeurs au trône, les fils encore enfants de Flavius Clemens, son cousin germain, après leur avoir ôté leurs premiers noms, pour appeler l’un Vespasien, l’autre Domitien, il attendit à peine que cet homme, d’une nullité abjecte, fut sorti du consulat pour se défaire brusquement de lui sur le soupçon le plus frivole. (2) Cet acte contribua surtout à hâter sa fin. (3) Durant huit mois consécutifs, on entendit et on annonça tant de coups de tonnerre, qu’il s’écria : « Eh bien ! qu’il frappe qui il voudra. » (4) La foudre atteignit le Capitole, le temple de Flavius, le palais de Domitien, et pénétra jusque dans sa chambre à coucher. L’inscription du piédestal de sa statue triomphale fut arrachée par un violent orage et jetée dans un tombeau voisin. (5) L’arbre renversé qui s’était relevé quand Vespasien n’était encore que simple particulier, retomba tout à coup avec fracas. (6) L’oracle de la Fortune, à Préneste, accoutumé, dans tout le cours de son règne, à lui faire une réponse favorable, toutes les fois qu’il lui recommandait la nouvelle année, ne lui annonça, pour la dernière, qu’un sort déplorable, et parla même de sang. (7) Domitien rêva qu’une Minerve à laquelle il avait voué un culte superstitieux, quittait son sanctuaire en lui déclarant qu’elle ne pouvait plus le défendre, parce que Jupiter l’avait désarmée. (8) Mais rien ne lui fit plus d’impression que la réponse et la mort de l’astrologue Asclétarion. (9) Il avait été dénoncé, et ne niait pas qu’il eut révélé ce que son art lui avait fait prévoir. Domitien alors lui demanda quelle fin l’attendait lui-même. L’astrologue répondit qu’il serait bientôt déchiré par des chiens. L’empereur le fit tuer sur-le-champ ; et, pour confondre l’audace de son art, il ordonna qu’on l’ensevelit avec le plus grand soin. Tandis qu’on exécutait cet ordre, un orage subit dispersa le bûcher, et des chiens mirent en pièces le cadavre à demi brûlé. Le mime Latinus, qui avait vu le fait en passant, le raconta, entre autres nouvelles du jour, au souper de Domitien.
XVI. Ses terreurs aux approches de la mort
(1) La veille de sa mort, on lui avait servi des truffes. Il les fit garder pour le lendemain, en disant : « Si toutefois il m’est permis d’en manger ». Puis, se tournant vers ses voisins, il ajouta que, le jour suivant, la lune se couvrirait de sang dans le Verseau, et qu’il arriverait un événement dont on parlerait dans l’univers. (2) Au milieu de la nuit, il fut saisi d’un tel effroi qu’il sauta à bas de son lit. (3) Il vit le matin un devin qu’on lui avait envoyé de Germanie, et le consulta sur un coup de tonnerre. Le devin lui ayant prédit une révolution, il fut envoyé à la mort. (4) Domitien, en grattant trop fort une verrue qu’il avait au front, la fit saigner « Plût au ciel, dit-il, que j’en fusse quitte pour cela ». (5) Puis il demanda l’heure. Au lieu de la cinquième qu’il redoutait, on lui dit exprès que c’était la sixième. (6) Alors, comme si le péril était passé, il se rassura, et allait à la hâte s’occuper de sa toilette, lorsque Parthenius, préposé au service de sa chambre, l’en empêcha en lui annonçant qu’un homme qui avait à lui révéler des choses pressantes et d’une haute importance, demandait à lui parler. Domitien ayant donc fait retirer tout le monde, passa dans sa
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