Vies des douze Césars
Il ne montra pas moins d’empressement à s’attacher les rois et les provinces dans toute l’étendue de la terre, offrant aux uns, en pur don, des milliers de captifs, envoyant aux autres des troupes auxiliaires, où et quand ils le voulaient, sans prendre l’avis du sénat ni du peuple. Il orna de magnifiques monuments les plus puissantes villes non seulement de l’Italie, des Gaules et des Espagnes, mais aussi de la Grèce et de l’Asie. (2) Enfin tout le monde commençait à démêler avec terreur le but de tant d’entreprises, lorsque le consul Marcus Claudius Marcellus, après avoir annoncé par un édit qu’il allait prendre des mesures de salut public, fit un rapport au sénat : il proposait de donner un successeur à César avant l’expiration de son commandement, puisque la guerre était finie, que la paix était assurée, et qu’il fallait licencier une armée victorieuse. Il demandait aussi que, dans les prochains comices, on ne tînt pas compte de César absent, puisque Pompée lui-même avait abrogé le plébiscite rendu en sa faveur. (3) Il était en effet arrivé que, dans une loi portée par Pompée sur les droits des magistrats, et au chapitre où il interdisait aux absents la demande des honneurs, il avait oublié d’excepter César ; erreur qu’il n’avait corrigée que lorsque la loi était déjà gravée sur l’airain et déposée dans le trésor. (4) Non content d’enlever à César ses provinces et son privilège, Marcellus était encore d’avis de retirer à la colonie fondée par lui à Novum Comum, en vertu de la loi Vatinia, le droit de cité romaine, alléguant que c’était le résultat de la brigue et de la violation des lois.
XXIX. Ses mesures contre ces attaques
(1) Ébranlé par ces attaques, et persuadé, comme il le disait souvent, qu’il serait plus difficile, quand l’État l’aurait pour chef, de le faire descendre du premier rang au second, que du second jusqu’au dernier, il résista de tout son pouvoir à Marcellus, et lui opposa, tantôt le veto des tribuns, tantôt l’intervention de Servius Sulpicius, l’autre consul. (3) L’année suivante encore, comme Gaius Marcellus, qui avait succédé, dans le consulat, à son cousin germain Marcus, suivait la même politique que lui, César s’assura, au prix d’immenses largesses, le concours de son collègue Paul-Émile et de Gaius Curion, le plus violent des tribuns. (3) Mais rencontrant partout une résistance obstinée, et voyant que les consuls désignés étaient aussi contre lui, il écrivit au sénat, pour le conjurer de ne pas lui enlever une faveur accordée par le peuple, ou du moins d’ordonner que les autres généraux quittassent aussi leurs armées. Il se flattait, à ce que l’on croit, de rassembler ses vétérans, dès qu’il le voudrait, plus aisément que Pompée ne réunirait de nouveaux soldats. (4) Il offrit néanmoins à ses adversaires de renvoyer huit légions, de quitter la Gaule Transalpine, et de garder la Cisalpine avec deux légions, ou même l’Illyrie avec une seule, jusqu’à ce qu’il fût créé consul.
XXX. Il vient à Ravenne, préparé à tous les événements
(1) Mais le sénat n’eut aucun égard à ses demandes, et ses ennemis refusèrent de conclure un marché à propos du salut de la république. Alors il passa dans la Gaule Citérieure, et, après avoir tenu les assemblées provinciales, il s’arrêta à Ravenne, prêt à venger par la force des armes les tribuns qui avaient embrassé sa cause, dans le cas où le sénat prendrait contre eux quelque parti violent. (2) Tel fut, en effet, le prétexte de la guerre civile ; mais on pense qu’elle eut d’autres causes. (3) Gnaeus Pompée disait souvent que, ne pouvant achever les travaux qu’il avait commencés, ni répondre, par ses ressources personnelles, aux espérances que le peuple avait fondées sur son retour, César avait voulu tout troubler, tout bouleverser. (4) Selon d’autres, il craignait qu’on ne l’obligeât à rendre compte de ce qu’il avait fait contre les lois, les auspices et les oppositions des magistrats, dans son premier consulat. En effet, M. Caton déclara plus d’une fois, avec serment, qu’il le citerait en justice, dès qu’il aurait licencié son armée ; et l’on disait généralement que, s’il revenait sans caractère public, il serait forcé, comme Milon, de se défendre devant des juges entourés de soldats armés. (5) Ce qui rend cette dernière
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