Vikings
j’ai bien saisi le sens de vos paroles, vous comptez offrir une partie du royaume à des barbares. Des païens qui ne se reconnaissent même pas dans l’amour de notre Seigneur Jésus-Christ. Je suppose que vous ne pensez pas sérieusement ce que vous dites...
Charles s’attendait à cette réaction, mais il ne s’en trouvait pas moins mal à l’aise. Que pouvait-il répondre, lui qui se donnait tant de mal pour donner l’illusion qu’il menait la négociation avec les Vikings alors qu’en fait, c’était Hròlfr le Marcheur qui imposait sa volonté ? Quel compromis pouvait-il réussir à faire accepter à ces barbares d’une part et à une église inflexible de l’autre ? Comme il avait coutume de le faire à la chasse quand il se sentait pisté par quelque loup téméraire, le monarque choisit la fuite en avant.
— Monseigneur, répondit-il sur le faux ton de l’évidence, pour demeurer en terre franque, les hommes du Nord seront contraints de se convertir au christianisme et de combattre le paganisme ainsi que toute forme d’idolâtrie.
L’archevêque était satisfait : sa manoeuvre d’intimidation portait ses fruits. Une fois de plus, il ne pouvait que constater la faiblesse de l’homme. Et pour la peine, il ne regrettait même plus son repas écourté par la visite précoce du souverain.
— J’aime mieux cela, lâcha-t-il soulagé. Il va sans dire que nos hommes de Dieu guideront ces brebis égarées pour rejoindre le troupeau du Seigneur. Par le passé, à l’instar de mon prédécesseur le regretté Foulques, nous avons maintes fois refusé de convertir les barbares, mais aujourd’hui, nous sommes prêts à ouvrir les bras et à les accueillir avec bienveillance.
Charles se leva et s’inclina devant le prélat. Il quitta l’église de mauvaise humeur. Pourquoi avait-il accepté la proposition du marquis de Neustrie ? Comment allait-il se sortir de cette méchante situation où l’avait mis le prélat ? Il remonta la nef de l’église et sortit sur le parvis où ses deux hommes d’armes l’attendaient. Sans dire un mot, ils partirent au grand galop sur la route qui les menait à la forêt jouxtant la maison de Dieu.
Le Roi prit la tête de la petite troupe jusqu’à une petite mare partiellement protégée par des arbustes en fleurs. L’arrivée du monarque eut pour effet de faire fuir un héron apeuré qui y avait élu domicile. Un soldat de l’escorte royale sortit son oliphant et souffla trois coups brefs. Il ne fallut qu’un petit instant pour que les feuillages touffus face à lui se missent à bruire d’un léger mouvement. Dame Geneviève en jaillit, non sans grâce, mais le Roi n’était pas d’humeur à s’émouvoir de ce genre de détail. La jeune femme exécuta une révérence impeccable, sans se préoccuper de ce que ce geste pouvait avoir d’incongru dans un décor aussi bucolique.
— Dame Geneviève, lâcha sèchement le Roi. Si je vous ai fait mander en ce lieu, c’est pour vous dire que nous avons résolu d’accepter les conditions du traité. Cette terre de basse Seine sera désormais attribuée aux hommes du Nord. Néanmoins, ceux-ci devront nous garantir deux serments. Ils devront tout d’abord s’engager à nous défendre contre de nouvelles incursions vikings et ensuite, ils seront contraints d’abjurer leurs anciennes croyances païennes pour embrasser la seule vraie foi, celle du Christ.
Geneviève n’était pas là pour juger de la parole du souverain. Elle n’était que la messagère qui, à son humble manière, écrivait l’Histoire. Toutefois, en recueillant les propos du roi Charles, elle ne put s’empêcher de frémir en se disant que Hròlfr ne les apprécierait pas.
Livre Septième
A PRÈS AVOIR PILLÉ B AYEUX quelques années auparavant, Hròlfr avait capturé nombre de prisonniers. Parmi ceux-ci se trouvait une belle jeune fille répondant au doux nom de Popa. Lorsqu’il avait appris qu’elle n’était autre que la fille du seigneur Béranger, comte du Bessin, qui dominait la région de Bayeux, le chef nordique lui porta encore davantage d’intérêt.
De toute évidence, son appartenance à la plus haute aristocratie franque avait pesé sur la décision du Viking de la prendre pour épouse, mais pour autant, l’amour n’était pas étranger à cette union. Au fil du temps, Popa avait appris à surmonter les mauvais coups du sort et à imposer sa volonté, même lorsque soufflaient des vents contraires. Une
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