Vikings
apportent force et courage, richesse et longue vie.
Après ces paroles galvanisantes de leur chef, les guerriers de Hròlfr le Marcheur sortirent à leur tour leurs épées et les pointèrent vers le ciel. De cent poitrines jaillirent alors trois cris puissants : « Raaa ! Raaa ! Raaa ! »
Ensuite, tout alla très vite. Hròlfr tint fermement son épée, jeta un coup d’oeil à la biche qui, éreintée, avait cessé de se débattre. L’épée du chef viking s’abattit sur le cou de l’animal et le trancha net. Le coup avait été franc, tellement rapide qu’une grande partie de l’assistance avait à peine eu le temps de le voir. Hròlfr fit un pas en avant et s’empara de la tête de l’animal qui avait roulé à terre dans une flaque de sang tiède. Il s’en empara par l’oreille et la ramassa. Il la saisit et la jeta dans le feu qui crépitait dans la nuit devenue noire. Une nouvelle fois, les hommes de Hròlfr poussèrent les trois cris rituels avant de se précipiter vers la carcasse de l’animal. Certains y trempèrent la lame de leur épée pendant que d’autres en découpaient des pièces de viande qu’ils commencèrent à mastiquer avec appétit. Hròlfr ne voulait pas être en reste et commença, lui aussi, à découper une tranche de viande dans le flanc de l’animal. Il fut interrompu par son serviteur qui était accompagné d’un homme portant une longue robe rouge.
— Chef, cet homme souhaite te parler, fit le serviteur sur un ton méfiant. Il prétend être un émissaire du roi Charles des Francs.
Hròlfr sourit. Il ne s’attendait pas à pareille visite un jour de sacrifice. Il se dit que les dieux étaient décidément bien facétieux pour s’amuser de la sorte. D’un bref mouvement de tête, il fit comprendre à son serviteur qu’il acceptait l’entrevue. L’homme à la longue cape prit les devants pour se présenter. Et quand son visage s’approcha des flammes du bûcher, le chef viking le reconnut aisément.
— Nous nous connaissons déjà, Hròlfr, dit-il sur un ton amical. Je suis Francon, évêque de Rouen. Je te remercie de m’accueillir en pareille, euh, circonstance.
— Certes, éclata de rire le Viking, je ne m’attendais pas à te rencontrer en pleine célébration de sacrifice. Mais je pense que tu connais bien les coutumes de mon peuple et que tu n’es point homme à t’en offusquer.
L’évêque porta un regard inquiet sur le bûcher où se consumait la tête de la biche. Il regarda aussi le haut pilier de bois orné d’un noeud d’Odin qui avait été planté à côté.
— C’est précisément un des sujets que je souhaite aborder avec toi, répondit-il. Le roi des Francs m’a confié la mission de te soumettre ses conditions à l’établissement d’une paix durable entre nos deux peuples.
— Alors, parle ! le pressa Hròlfr avec intérêt.
Francon ne s’attendait pas à être reçu dans un château, mais il avait espéré un autre endroit qu’une clairière plongée dans l’obscurité au coeur d’une forêt pour accomplir sa mission. Toutefois, il savait qu’il ne servait à rien de discuter les ordres de Hròlfr et il s’exécuta dès lors de bonne grâce. Le chef viking l’entraîna un peu à l’écart du bûcher et de ses hommes qui avaient commencé un festin improvisé en se faisant servir des cornes d’hydromel. Hròlfr s’assit sur un billot de bois et invita Francon à faire de même. L’homme de Dieu déclina l’offre avec politesse et préféra délivrer sans plus attendre le message qu’on lui avait confié.
— Le roi Charles est disposé à te céder une vaste terre comprise entre l’Andelle et la mer. Toi et ton peuple, vous pourrez vous y établir et l’administrer avec sagesse. En échange, vous serez vassaux du roi Charles et vous vous engagerez à protéger ce territoire de nouvelles incursions des Norrois. Par ailleurs, sur les conseils avisés de l’archevêque Hervé de Reims, le Roi exige une conversion totale de ton peuple à la vraie Foi, la religion du Christ et de ses apôtres.
Hròlfr se frotta le menton sans que son visage trahisse la moindre émotion, positive ou négative.
— Ton offre est conforme à ce nous savions déjà, répondit-il. Nous avons cependant d’autres souhaits à formuler. Nous voulons la terre qui s’étend de l’Epte à la mer. Mais tu sais aussi bien que moi qu’à force d’incursions et de combats, ce territoire est désolé et sans richesse. Nous
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