Vikings
lui. Les hommes du Nord avaient beau s’être installés en terre de France depuis quelques décennies pour certains, ils n’avaient pas pour autant modifié leurs habitudes vestimentaires. Ils arboraient toujours leurs tuniques de gros draps retenues par de larges fibules et, pour se protéger du froid qui était particulièrement vif en cette saison, ils portaient en outre des peaux de bêtes sur les épaules.
— Compagnons, commença Skirnir en levant les bras. Plus de dix hivers et dix printemps se sont écoulés depuis que notre chef nous a forcés à courber l’échiné face au petit roi des Francs. Aujourd’hui, Charles III n’a que le sort qu’il mérite. Il crève à petit feu dans un château lointain et Raoul s’est emparé de son trône. Pour nous, hommes du Nord, la situation devient chaque jour plus intenable. Les hommes de Raoul renient les traités anciens, contestent les décisions du Roi déchu et pourchassent sans répit nos frères de sang...
— Tu parles juste, répondit Olav. Hròlfr nous a obligés à lutter contre les Vikings, qui sont nos frères, et nos propres dieux. Aujourd’hui, mon sang bout de ne pouvoir porter assistance aux drakkars qui assaillent les troupes du vil roi Raoul. On a fait de nous des traîtres !
— Comment osez-vous ? s’insurgea Knut le Jeune. Vous avez la mémoire courte. Nos frères n’ont jamais hésité à nous combattre par le passé, chacun essayant d’abattre l’autre pour acquérir davantage de richesses. Aujourd’hui, nous disposons de terre en suffisance pour garantir la subsistance de nos femmes et nos enfants.
De telles paroles ne pouvaient que provoquer la rage de Skirnir le Roux. Il s’avança devant Knut et le saisit à la gorge avant de commencer à le secouer.
— Tu vas te taire, traître ! hurla-t-il.
— Ose dire que je me trompe, poursuivit le jeune homme, convaincu de son bon droit.
À bout de nerfs, il lui envoya un coup de poing dans la figure qui projeta Knut à terre.
— Si je vous ai demandé de venir ici, poursuivit-il, c’est parce que j’ai confiance en vous. Je sais que vous êtes restés fidèles à votre sang et à vos dieux. Rien ne vous détournera de votre résolution : abattre Hròlfr le parjure pour honorer la mémoire de nos ancêtres et restaurer la puissance viking. La France est faible, son roi est à notre merci. Le moment n’a jamais été plus propice pour agir. Odin nous accompagne et surtout, nous pouvons compter sur Thor au marteau de foudre, le seul dieu qui aura raison de Jésus. Pour combattre avec force et remporter la victoire légitime, je ne tolérerai aucune faiblesse. Certains d’entre nous se sont laissé corrompre par la couardise des peuples de ces régions. Nous, Vikings, nous ne sommes pas faits pour cultiver des champs ou nourrir du bétail. Nous sommes des hommes de la mer et du combat, les dieux nous ont taillé pour la lutte en nous conférant leur courage. Ceux qui s’écartent de ce chemin, il faut qu’ils s’amendent ou qu’ils paient le prix de leur traîtrise.
Skirnir s’empara de son épée et la sortit de son fourreau de peau tannée. Il la brandit et l’abattit sur le cou de Knut le Jeune qui ne s’était pas encore relevé. Un jet de sang fut projeté contre la paroi rocheuse et la tête alla rouler aux pieds des membres de l’assemblée qui n’eurent pas le moindre mouvement de recul.
— De cette manière, conclut Skirnir, ils paieront tous le prix de leur faiblesse. Notre groupe n’a nul besoin de lâche. Pour l’heure, je compte sur votre loyauté et sur votre discrétion. Soyez confiants, je vous révélerai bientôt comment nous vaincrons.
Le géant roux leva son épée et tous les autres l’imitèrent. Ils poussèrent plusieurs « Hurrah » de joie pour galvaniser leurs coeurs. Les sourires étaient sur tous les visages des hommes du Nord parce qu’ils savaient que l’heure de la bataille était revenue.
Livre Treizième
L A CORDE DE L ’ ARC se tendit à mesure que l’oeil fixait le poteau de bois recouvert d’une toile rouge. Hròlfr le Marcheur s’accorda encore quelques secondes, le temps d’ajuster la pointe de sa flèche, puis il relâcha la tension. La flèche alla se ficher au centre du poteau pendant que l’archer exprimait un grand cri de joie et de forces mêlées.
— Aaaah !
— Bravo père, fit le jeune homme qui se tenait quelques pas en arrière. Les troupes du roi Raoul n’ont qu’à bien se
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