Voyage de J. Cartier au Canada
appareillasmes du dict hable le premier jour de septembre pour aller vers Canada, et environ quinze lieues du dict hable à l'Onaist, Sur, Onaist y a trois ysles au parmy du fleuve, le travers desquelles y a une riviere fort perfonde et courante, qui est la riviere et chemin du royaulme et terre de Saguenay, ainsi que nous a esté dict par nos deux sauvages du pais de Canada. Et est icelle riviere entre haultes montaignes de pierre nue, sans y avoir que peu de terre, et nonobstant y croist grand quantité d'arbres et de plusieurs sortes qui croissent sur la dicte pierre nue comme sur bonne terre, de sorte qui y avons veu arbre suffisant à master navire de trente tonneaulx, aussi vert qu'il soit possible de veoir lequel estoit sur ung rocq sans y avoir aucune faveur de terre, à l'entrée d'icelle riviere trouvasmes quatre barques des sauvages, les quelz venoient vers nous en grand peur et craincte, de sorte qu'il en recueillit une, et lautre approcha pres qu'ilz peurent entendre l'un de nos sauvages, qui se nomma et feist sa congnoissance, et les feist venir seurement.
Le lendemain deuxiesme jour du dict septembre, resortismes hors de la dicte riviere pour faire le chemin vers Canada, et trouvasmes la mares fort courante et dangereuse, parce que devers le Su de la dicte riviere y a deux ysles, et l'entour desquelles, à plus de trois lieues n'y a que deux brasses semees de gros perrons, comme tonneaulz et pippes, et les marees de ce puantes par entre lesdictes ysles, de sorte que cuydasmes y perdre nostre gallyon, sinon le secours de noz barques et à la creste des dictz plateys, y a de perfond trente brasses et plus. Passe ladicte riviere du Saguenay et les dictes ysles, environ cinq lieues vers le Sur Onaist, y a une autre ysle vers le Nort, de laquelle y a de fort haultes terres le travers desquelles cuydasmes poser l'ancre pour estaller l'obbe, et ny peusmes trouver le fonds à six vingtz brasses a ung traict d'arc de terre, de sorte que feusmes contrainctz retourner vers la dicte ysle, ou passames à trente cinq brasses, et beau fondz.
Le lendemain matin feismes voylle, et appareillasmes pour passer oultre, et eusmes congnoissance d'une sorte de poissons, desquelz il n'est memoire d'homme avoir veu n'y ouy : Les dictz poissons sont aussi gros comme marsouyns sans avoir aucun estre, et sont assez faictz par le corps et teste de la facon d'ung levrier, aussi blancs que neige, sans avoir aucune tache : et en y a fort grand nombre dedans la dicte riviere qui vivent entre la mer et l'eaue doulce : Les gens du pais les nomment Adhothuys : et nous ont dict qu'ilz sont fors bons à menger, et nous ont affirmé n'y en avoir en tout le dict fleuve qu'en cet endroit.
Le sixiesme jour dudict moys avec bon vent feismes courir à mont le dict fleuve environ quinze lieues, et vinsmes poser à une ysle qui est bort à la terre du Nort, qui faict une petite baye et couche de terre :
à laquelle y a ung nombre inestimable de grandes tortues, qui sont es environs d'icelle ysle, Pareillement par iceulz du pais, se faist es environs de la dicte ysle grand pescherie de Adhothuys. Il y a aussi grant courant es environs de ladicte ysle comme devant Bordeaux de flo, et ebbe. Icelle ysle contient environ trois lieues de long et deux de large : et est une moult bonne terre et grasse, plaine de beaulx et grandz arbres de plusieurs sortes : et entre autres y a plusieurs couldres franches que trouvasmes fort chargees de noisilles aussi grosses et de meilleur saveur que les nostres, mais ung peu plus dures. Et parce la nommasmes l'ysle es Couldres.
Le septiesme jour dudict moys jour nostredame, apres avoir ouy la messe, nous partismes de ladicte ysle pour aller à mont ledict fleuve, et vinsmes à quatorze ysles qui estoient distantes de ladicte ysle es couldres de sept à huict lieues, qui est le commencement de la terre et province de Canada : desquelles en y a une grande qui a environ dix lieues de long et cinq de large, en laquelle y a gens demourrans qui font grand pescherie de tous les poissons qui sont dedans le dict fleuve selon leur saison. Nous estans posez et a l'encre entre icelle grande ysle, et la terre du Nort, alasmes à terre et portasmes les deux sauvaiges que avions prins le precedent voyage :
Et trouvasmes plusieurs gens du pays, lesquelz commencerent à fuyr, et ne vouloient aprocher jusques ad ce que nosdictz deux hommes commencerent ä parler, et leur dire qu'ilz, estoient Taignoagny et dom Agaya. Et lors
Weitere Kostenlose Bücher