Voyage de J. Cartier au Canada
bort, monstrant par signes evidens avec les mains et aultres cerimonies, que le dict fleuve estoit ung peu plus avant fort dangereux, nous advertissant de nous en donner garde. Et presenta celuy seigneur au cappitaine deux de ses enfans, desquelz le cappitaine print une fille de l'aage d'environ sept a huit ans, et reffusant ung garson de deux ou trois ans, par ce qu'il estoit trop petit, Le dict cappitaine festoya le dict seigneur et sa bande de ce qu'il peust, et luy donna aucun petit présent : puis s'en allerent à terre. Et depuis sont venus celuy seigneur et sa femme veoir leur fille jusques à Canada et apporter aucun present au cappitaine, Depuis le 19e jour jusques au 28, dudict moys nous avons esté navigans a mont ledict fleuve sans perdre heure ny jour, durand lequel temps avons veu et trouvé d'aussi beau pays et terres aussi unyes que l'on scauroit desirer, plaine comme dict est des beaulx arbres du monde, scavoir chesnes, hormes, noyers, cedres, pruches, fresnes, briez, sandres, oziers, et force vignes. Lesquelles avoient si grand habondance de raisins, que les compaignons en venoient chargez à bort. Il y a seulement force grues, signes, oultardes, oyes, cannes, allouettes, faisans, perdrix, merles, mauvis, teurtres, chardonnereulx, serins, roussignolz, passes solitaires, et aultres oyseaulx, comme en France, et en grand habondance.
Ledict 18e jour de septembre nous arrivasmes en ung grand lac et playne dudict fleuve, large d'environ cinq ou six lieues, et douze de long, Et navigasmes celluy jour amont sans y trouver partout icelluy que deux brasses de parfond esgallement sans haulser ny baisser.
Et nous arrivans a l'ung des boutz dudict lac, ne nous apparoissoit aucun passaige n'y sortye : Ains sembloit icelluy estre tout cloz sans aucune riviere, et ne trouvasmes audict bout que brasse et demie, dont nous convint poser et mettre l'ancre hors, et aller chercher passage avec les barques : et trouvasmes qu'il y a quatre ou cinq rivieres toutes sortantes dudict fleuve en icelluy lac, et venant dudict Hochelaga : mais en icelluy ainsi sortantes, y a barres et traverses faictes par le cours de l'eaue, ou il n'y avoit pour lors que une brasse : Et lesdictes barres passees y a quatre ou cinq brasses, qui estoit le temps des plus petites eaues de lannée, ainsi que nous vinsmes par les flotz des dictes eaues qu'elles croissent de plus de trois brasses de pic, toutes icelles rivieres circuysent et environnent cinq ou six belles ysles, qui sont le bout dudict lac : puis se rassemblent environ quinze lieues à mond toutes en une. Celuy jour feusmes à l'une d'icelles, ou trouvasmes cinq hommes qui prenoient des bestes sauvaiges : lesquels vindrent aussi privement à noz barques, que s'ilz nous eussent veu toute leur vie sans avoir peur ne craincte, et nosdictes barques arrivez à terre, l'un d'iceulx hommes print nostre cappitaine entre ses bras, et le porta à terre aussy legierement que sy feust esté ung enfant de cinq ans, tant estoit icelluy homme grand et fort. Nous leur trouvasmes ung grand mouceau de raz sauvaiges : lesquelz vivent en l'aue, et sont gros comme connyns, et bons à merveilles. Desquelz feirent present à nostre cappitaine, qui leur donna des couteaulx, et patenostres pour recompence. Nous leur demandasmes par signe, si c'estoit le chemin de Hochelaga : Ilz nous monstrerent que ouy, et qu'il y avoit encores trois journees à y aller.
Comment le cappitaine feist accoustrer les barques pour aller audict Hochelaga, et laisserent le gallyon pour la difficulté du passaige : et comment nous arrivasmes audit Hochelaga, et le racueil que le peuple nous feist à nostre arrivée.
Le lendemain nostre cappitaine voyant qu'il n'estoit possible povoyr pour lors passer le dict gallyon, feist advictailler et accoustrer les barques, et mettre victuailles pour le plus de temps qu'il feust possible, et que lesdictes barques en peurent accueillir, et se partit avecques icelle accompaigné des gentilz hommes : scavoir Claude du pont grand echanson de monseigneur le Dauphin. Charles de la Pommeraye, Jehan gouion, Jehan poullet, avec vingt huict marinyers, y comprins Mace jallobert et Guillaume le breton, ayans la charge soubz le cappitaine des deux autres navires, pour aller amond ledict fleuve, au plus loing qu'il nous seroit possible. Et navigasmes de temps à gré jusques au dixneufiesme jour d'Octobre, que nous arrivasmes audict Hochelaga, qui est distant d'ou estoit demouré ledict gallyon,
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