Voyage de J. Cartier au Canada
de tous les gens de l'expédition, elle partit de Saint-Malo le 20 avril 1534, et vint atterrir le 10 mai suivant à Terre-Neuve, près du cap Boavista, mouillant ä cinq lieues de là vers le sud, dans un port qui reçut le nom de Sainte-Catherine ; on remonta ensuite la côte vers le nord pour entrer dans le golfe des Châteaux, c'est-à-dire le détroit actuel de Belle-Isle, et le nom de Sainte-Catherine (qui était peut-être celui d'un des navires) reparut une seconde fois pour désigner l'île même qui signale cette ouverture.
A partir de ce point, Cartier longea vers l'ouest la côte méridionale du Labrador, jalonnant çà et là sa route de quelque nom breton, tel que Brest ou Saint-Servan, au milieu de beaucoup d'autres, jusqu'à la baie de Shecatica, qui sut appelée port de Jacques Cartier. Comme le golfe allait s'élargissant de plus en plus, il voulue en reconnaître la rive opposée, et il vint aborder au cap Double, la pointe Riche de nos jours, pour descendre ensuite la côte jusqu'à un cap qu'on atteignit le 24 juin et qu'on appela pour cette raison cap de Saint-Jean, aujourd'hui cap de l'Anguille.
De là, tournant à l'ouest, on toucha successivement à diverses iles, à l'une desquelles fut laissé le nom de Brion, en l'honneur du grand-amiral qui avait patronné l'expédition, et l'on arriva au fleuve des Barques (la rivière Miramichi) ; on remonta en suite au nord en explorant la baie des Chaleurs, dont l'entrée est signalée au delà par le cap de Prato (aujourd'hui cap Farillon), où l'on serait tenté de chercher un souvenir du pilote piémontais massacré dans l'expédition anglaise de 1527. Puis, coupant le détroit de Saint-Pierre (entre Gaspé et Anticosti) on regagna les terres septentrionales près de la résidence du chef sauvage Tiéno, au cap actuel de Montjoli, et prenant désormais à l'est pour s'en retourner, on franchit de nouveau le détroit de Belle-Isle le jour de l'Assomption, et l'on rentra à Saint-Malo le 5 septembre.
XIII
Le rapport que fit aussitôt Cartier, des résultats de ce premier voyage, fut très-bien accueilli, et dès le 30 octobre suivant le grand-amiral lui faisait expédier, sous son propre seing, une nouvelle commission «du voulloir et commandement du Roy, pour conduire, mener, et employer troys navyres équippez et advitaillez chascun pour quinze mois, au parachèvement de la navigation... jà commencée à descouvrir oultre les terres neusves, et en iceluy voyage essayer de faire et accomplir ce qu'il a plu à mondit seigneur... commander et ordonner.»
Cartier ayant tout disposé pour l'exécution de sa nouvelle mission, partit de Saint-Malo le 19 mai 1535, et, contrarié par les vents dans sa traversée, n'arriva que le 7 juillet à l'isle aux Oiseaux, d'où il se rendit au détroit de Belle-Isle pour y attendre ses deux conserves, qui le rejoignirent le 26 juillet ; il prit alors à l'ouest vers le cap de Tiéno, où il était le 31 juillet, poursuivit la même route jusqu'au 10 août, à l'entrée de la rivière actuelle de Saint-Jean, qu'il appela baie de Saint-Laurent, en l'honneur du patron du jour ; et allant ensuite visiter la grande île de Natiscotec (ou Anticosti, comme prononce le vulgaire) il y aborda le 15 août et lui donna en conséquence le nom de l'Assomption.
Du côté du sud elle faisait face au pays de Honguedo, où commençait la grande rivière conduisant à Canada et à Hochelaga, qu'il résolut de remonter, en reprenant son exploration de la rive septentrionale depuis la baie de Saint-Laurent. Il rencontra d'abord sept iles qu'il appela les iles Rondes, puis les îles du Bic auxquelles il donna le nom d'îlots de Saint-Jean ; le 1er septembre il reconnut l'entrée de la grande rivière de Saguenay et les deux iles (l'île Blanche et l'ile Rouge) qui lui font face.
Poursuivant sa route, il s'arrêtait le 6 septembre sur une île couverte de coudriers, laquelle conserve encore le nom d'ile aux Coudres qu'il lui donna, et le lendemain il atteignit un amas d'iles, où commençait le pays de Canada. La plus grande était chargée de vignes, ce qui la lui fit appeler d'abord ile de Bacchus ; mais il préféra ensuite le nom d'île d'Orléans, qui lui est resté. Au bout se trouvait un endroit convenable pour le mouillage de ses navires : il s'y arrêta le 14 septembre, jour de l'Exaltation de la Sainte-Croix, dont ce lieu prit le nom ; c'est la rivière Saint-Charles d'aujourd'hui. Tout auprès était Stadacone,
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